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Critique de Zebra


« La singulière tristesse du gâteau au citron » est le quatrième ouvrage d'Aimée Bender. Paru chez Doubleday en 2010 sous le titre « The Particular Sadness of Lemon Cake », édité en français aux Éditions de l'Olivier en févier 2013, ce livre est l'histoire de Rose Edelstein, une fillette qui, le jour de ses neuf ans, fait une découverte extraordinaire : elle est capable de ressentir très précisément les émotions et les sentiments des personnes à travers les plats qu'ils cuisinent et qu'elle goûte. En croquant dans une part de tarte au citron préparée à l'occasion de son anniversaire, elle perçoit la tristesse de sa mère : Rose devine que ses parents se sont disputés, et elle fait même un peu de fièvre en réaction à cette perception. Dans certains cas, il lui semble (page 43) que la nourriture est vide, comme s'il y avait un trou dedans, ce qui la perturbe car pour elle, normalement (page 53), le moindre aliment est investi d'une émotion. Un jour, en mangeant des pâtes que sa mère a préparées, Rose leur trouve « un goût d'idylle et de trahison » : Rose se rend compte que sa mère a une liaison avec Larry, le président de la coopérative dans laquelle travaille nouvellement sa mère. Plus grande, Rose tentera de ne consommer que des plats industriels afin de ne plus être perturbée par son super-pouvoir. Bizarre, vous ne trouvez-pas ? Ce qui est encore plus bizarre, c'est que toute la famille de Rose possède un don extraordinaire : Joseph, son frère, est capable de se fondre dans les meubles (au chapitre 46 et dernier, le lecteur découvrira que Joe a toujours rêver de s'incarner en chaise !) ; Paul, son père, redoute et contourne les hôpitaux, car il pressent systématiquement les situations dans lesquelles la vie ne tient plus qu'à un fil ; son grand-père possède un odorat surpuissant : (page 309) il lui suffisait de renifler pour être capable de dire un tas de choses sur les personnes qui l'entouraient. Difficile à croire ? Je vous l'accorde : on nage en plein fantastique !

So what ? Eh bien rien, hélas. Vous avancez avec lenteur dans ce roman de 345 pages, où il ne se passe pas grand chose, sans réel suspense, un ouvrage dont vous ne retiendrez pas grand chose. La vie de Rose (le livre est écrit à la première personne) se déroule avec ses hauts et ses bas. Vous progressez de plats cuisinés en plats cuisinés. Au passage, l'auteure vous conduit d'une ville à l'autre. Les situations s'enchainent, sans grand intérêt. Les dialogues sont déroutants : pas de guillemets, pas de tirets, des phrases qui se suivent à la queue-leu-leu. L'atmosphère est tristounette, mélancolique, amère et douce, comme peut l'être une bouchée de cette fameuse tarte au citron qui figure en couverture. Vous évoluez dans un mal de vivre permanent, trop rarement égaillé par les rencontres de Rose et de Georges, le meilleur ami de Joe, le seul personnage normal de cet ouvrage. Certaines descriptions sont longues, pour ne pas dire ennuyeuses. Rose, (page 90) ce médium de la nourriture, vous promène au fil de ses émotions culinaires, jusqu'à la nausée : il faut dire (page 162) que ces aliments dominaient sa vie. Je dois avouer que j'ai eu un peu de mal à aller jusqu'au bout de cet ouvrage.

Alors, au-delà des la nourriture et du goût des aliments, n'y aurait-il rien de positif à retenir de cette lecture ? N'exagérons-rien.

Le lecteur y trouvera le récit des difficultés de l'enfant à passer à l'âge adulte dans un univers où les relations qu'il noue avec sa mère, son père et ses frères et soeurs comptent au plus haut point. L'enfant, désirant l'affection de ses parents, ressent de la jalousie quand un frère ou une soeur capte une trop grande part de cette affection. Ainsi (page 173), Rose a mal quand elle entend sa mère dire que Joe est important dans sa vie car il la guide : quand Rose demande à sa mère si elle aussi elle guide sa mère, celle-ci lui répond « vous m'aidez tout le temps, bien sûr ! ». Rose se sent dévalorisée. L'enfant désire une relation personnelle, pour ne pas dire exclusive, avec ses parents : aussi, Rose descend faire ses devoirs dans le salon dès qu'elle entend son père rentrer du travail (père absent, enfant manqué ?) ; et elle ne se sent proche de son père (page 148) que depuis qu'ils regardent ensemble la télévision. L'enfant a peur de l'absence de ses parents : aussi, Joe (page 142) est son antidote à l'impression qu'il n'y a personne à la maison. L'enfant change vite d'amitiés : aussi, après le déménagement de Joe, Rose, en pleine perdition affective, rencontre Cherrie (page 196), une amie dont elle devient inséparable. Ayant l'âge de passer son permis, à l'heure où les enfants pensent à s'affranchir de leurs parents, c'est timidement que Rose demande à conduire le véhicule familial ; elle voudrait quitter le foyer (page 280) mais ça n'est pas le bon moment. Mais quand sa mère (page 330) confesse qu'elle a l'impression de ne pas connaître ses enfants, alors Rose décide de quitter le foyer familial : elle s'installe dans le restaurant dans lequel elle fait la plonge.

Le lecteur trouvera dans cette chronique d'un quotidien banal, nous décrivant la fragilité des fondations familiales, un éclairage sur la vraie nature du don, un super-pouvoir qui devient très vite un fardeau car il vous différencie par trop de la vie ordinaire de vos voisins : il ne s'agit pas d'une analyse psychologique, philosophique ou historique mais de petites touches, comme dans la peinture impressionniste, le tout sur fond d'atmosphère particulière, intimiste, tendre, en demi-teinte, parfois poétique et un peu envoûtante. le lecteur trouvera dans cet ouvrage original un portrait tout en délicatesse de Joseph, un génie rapidement dépassé par son meilleur ami, Georges, moins introverti que lui, plus apte à faire passer ses connaissances et à réussir ses examens (Joe entrera au MIT). Tout ça pour ça ? Dommage.

Morale de cette lecture ? Faites attention aux couvertures des romans que vous choisissez : elles peuvent s'avérer (un peu) trompeuses.
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