Parole de libraire à Marseille .
Nadia Champemes est libraire à la libraire "Histoire de l'oeil" à Marseille et nous parle de ses trois coups de coeur : "La singulière tristesse du gâteau au citron" d' Aimee Bender, "Numéro d'écrou 362573" d'Arno Bertina et "Orgasme à Moscou" d'Edgar Hilsenrath.
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On se sent si seul quand tout va mal et qu'on voit des inconnus faire du shopping.
Voir arriver quelqu'un que l'on aime, les jours où tout va mal, est l'un des grand baromètres de la gratitude.
page 133
[...] Après mon coup de fil à Eliza et le départ de ma mère, je me suis installée à l'autre bout du canapé dans la pièce de la télévision. Mon père avait ce livre de comptes en cuir rouge sur les genoux, et il inscrivait des chiffres dans de nouvelles colonnes. La télé était en mode muet. Pendant un moment, je me suis contentée de rester immobile et d'observer mon père.
Oui ? a-t-il dit au bout de quelques minutes. Tu as besoin de quelque chose ?
Non. [...]
Oui, Rose ? Tu n'as pas de devoirs ?
Si.
Il a haussé les sourcils. Et pourquoi tu ne vas pas les faire ?
Je peux les apporter ici ?
Il a toussoté un peu dans sa main. Si tu restes sage. [...]
Nous avons travaillé ensemble en silence. [...]
Parfois a-t-elle dit, presque pour elle-même, j'ai l'impression de ne pas connaître mes enfants.
Je suis restée à côté comme si j'écoutais en elle. Tout près. Elle l' a dit par la fenêtre. Aux jardinières devant nous, pleines de pensées et de jonquilles qui inclinaient la tête à la tombée du crépuscule. Là où elle dirigeait toutes les questions et suppliques adressées à son fils disparu depuis quelques années. c'était une déclaration fugace et je ne n'imaginais pas qu'elle puisse y croire ; après tout, elle nous avait donné naissance seule, avait changé nos couches, nous avait nourrir, aidés dans nos devoirs, embrassés et pris dans ses bras, elle avait déversé son amour en nous. Qu'elle ne nous connaisse pas semblait la chose la plus humble qu'une mère puisse admettre.
J'ai mordu dans le cookie aux pépites. Lentement.
Au bout d'une semaine, j'étais capable de démêler un peu plus vite les impressions qui m'assaillaient. Les pépites étaient industrielles, donc elles avaient ce goût légèrement métallique et absent, le beurre avait été fait à partir d'un lait peu riche parce que les vaches venaient d'une exploitation où elles vivaient entassées. Les oeufs dégageaient un soupçon de grande distance et de plastique. Tous ces éléments vrombissaient en arrière-fond, et plus près, il y avait le pâtissier qui avait mélangé les ingrédients et préparé la pâte et qui était en colère. Une colère rentrée dans le cookie lui-même
Des sons rassurants – un rappel de la présence de ma mère, un sentiment d’activité et d’occupation, même si je savais qu’au matin, je la découvrirais l’air fatigué, le regard vague, cherchant le repos.
The room filled with the smell of warming butter and sugar and lemon and eggs, and at five, the timer buzzed and I pulled out the cake and placed it on the stovetop. The house was quiet. The bowl of icing was right there on the counter, ready to go, and cakes are best when just out of the oven, and I really couldn't possibly wait, so I reached to the side of the cake pan, to the least obvious part, and pulled off a small warm spongy chunk of deep gold. Iced it all over with chocolate. Popped the whole thing into my mouth.
J'ai besoin de pluie?
De beaucoup de pluie.
Et c'est bien?
Ni bien, ni mal. Est-ce qu'une forêt pluviale est bonne ou mauvaise?
Et toi, tu es quoi?
Elle a haussé les épaules. moi je suis changeante, comme l'île principale d'Hawaï.
Tu as le droit d'être d'Hawaï, toi?
Plus tard, seule occupée à revisser le verrou sur la porte, je réalise soudain que si je me fais enfermer, c'est peut-être parce que j'ai besoin que quelqu'un me libère.
Voir arriver quelqu'un que l'on aime, les jours où tout va mal, est l'un des grands baromètres de la gratitude.