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Critique de Cancie


Dans un salon du livre à Besançon, Laurent Bénégui discute avec son collègue écrivain Jean-Luc Marty. Il lui parle de son lien familial avec Cuba, de son grand-père originaire du Béarn qui a émigré là-bas, à l'est, en Oriente, au début du XXe siècle, y a fait fortune, y est mort et enterré, de son père né là-bas, de sa mère qui ne manquait jamais une occasion de rappeler qu'ils seraient riches si la révolution cubaine ne leur avait pas confisqué leurs biens. Il se rappelle également être allé rendre visite en 1967 à son oncle et sa tante, coincés là-bas et n'ayant pu revenir qu'en 1977.
Son ami s'étonne qu'il n'ait pas déjà utilisé cette matière d'autant lui dit-il qu'il n'y a pas une histoire, mais trois, la première, celle de ton grand-père, la deuxième, celle de la révolution castriste et la troisième, la tienne.
L'idée fait son chemin, il en discute avec son éditeur comme il a coutume de le faire lorsqu'un roman commence à le démanger et celui-ci le pousse à écrire et lui prépare un contrat. Il hésite cependant encore un peu, quand voilà qu'il reçoit un message via Facebook d'une certaine Sandra qui a trouvé, près de Reims, en fouillant le sol une plaque en métal au nom de Leopold Bénégui. Il s'avère qu'elle a appartenu à son grand-père qui avait été gazé pendant la guerre de 14-18, cause de son décès précoce à Cuba.
Tout concourrait pour qu'il n'ait plus aucun moyen de renoncer à écrire ce livre.
En écrivant cette épopée familiale, Laurent Bénégui nous donne à lire un roman historique et un roman politique riche en aventures et en suspense. En effet, un mystère demeure dans cette famille, du moins pour lui. Quand son oncle, sa tante et leurs deux enfants ont pu, enfin, rentrer, ayant dû abandonner à Cuba tout ce qui avait de la valeur, ses parents les ont accueillis à bras ouverts, leur offrant l'hospitalité durant plus d'un an. Et pourtant, ils finirent par se déchirer pour des raisons obscures et son père, jusqu'à sa mort n'adressa plus jamais la parole à son frère. Quel avait été le motif d'une brouille aussi tenace ? L'auteur va donc mener son enquête et tenter de trouver la réponse. Pour cela, il va renouer certains liens familiaux, et nous emmener dans sa famille. L'arbre généalogique auquel le livre est dédié, inséré en début d'ouvrage sera d'une grande utilité, de même que la photo de couverture datant de 1931, présentant sa famille paternelle au grand complet.
Ce récit autobiographique, vivant, coloré m'a embarquée illico, captivée et tenue en haleine jusqu'au bout. Il m'a permis de vivre aux côtés de ces aventuriers du milieu du vingtième siècle qui, pleins de courage et servis par une nature luxuriante, n'hésitent pas à donner toutes leurs forces pour défricher et mettre en valeur ces terres vierges de la sierra et planter des caféiers, avec beaucoup de zèle et d'audace. L'auteur recrée merveilleusement la vie sur la finca et ses plantations de café avec toutes les perceptions sensorielles de l'éclosion des fleurs de café qui exhalent un parfum suave d'orange et de jasmin mélangés, aux petites cerises vertes qui vont mûrir lentement, se parant progressivement d'un rouge profond jusqu'à la récolte faite notamment par des ouvriers haïtiens.
Mais dès 1957, le mouvement révolutionnaire se met en place et les rebelles armés vivant dans la montagne n'hésitent pas à réquisitionner des vivres. À l'été 1958, les attaques organisées de rebelles se multiplient. La révolution triomphe officiellement le 1er janvier 1959. Les lendemains seront difficiles avec l'expropriation des propriétaires d'exploitations théoriquement au profit de ses travailleurs qui va impacter cette famille, et Laurent Bénégui les décrit toujours très bien laissant parler ses cousins et cousines. Il ne pouvait cependant pas terminer son livre ainsi et se dit qu'il se doit « de transmettre une expérience de chair et de mouvement » et décide donc de retourner à Cuba avec sa femme et ses filles. Ils atterrissent à l'aéroport José-Martì de la Havane et ont pour but d'aller en Oriente et peut-être retrouver la trace de la famille et la tombe du grand-père Léopold...
Cette fresque historique est un enchantement tant elle est racontée de façon vivante. Comme il est intéressant de découvrir cette période historique par le ressenti de gens qui l'ont vécue. Ces presque trois cents pages ont été pour moi un vrai coup de coeur.
J'ai eu la chance, il y a un an tout juste d'aller à Cuba et de visiter la moitié Ouest et le centre de l'île jusqu'à Santa Clara. En visitant le train blindé que Che Guevara et ses compagnons firent dérailler, j'ai appris que je me devais de rentrer, les frontières allant être fermées, satané virus !
Grâce à ce bouquin qui m'a déjà fait remarquablement voyager dans cette Sierra Maestra, j'ai pu anticiper la partie de l'île qu'il me reste à visiter et que j'ai encore plus hâte de découvrir depuis cette lecture.
Je remercie chaleureusement Lecteurs.com et les éditions Julliard pour m'avoir permis ce magnifique voyage historique.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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