L'objet et le geste sont omniprésents, d'apparence si banale et anodine que l'on n'y prête plus vraiment attention. Pourtant, il y a tant d'invisibles dialectique qui se jouent dans les pigments d'un bâton de rouge : l'artifice et le vrai, le bon et le mauvais goût, le conformisme et la subversion, l'engagement politique et la neutralité, le plaisir et l'aliénation...
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[Le geste] est un symbole à la fois de l'émancipation des femmes et de leur soumission à des canons de beauté.
(12-13)
Pourquoi le rêve de l’émancipation féminine s’est-il inextricablement lié, dès le début, au monde de la beauté et de la mode ? Tout d’abord parce que les militantes doivent lutter contre moult stéréotypes de l’époque, selon lesquels les suffragettes ne seraient que des « femmes laides, extrémistes, racornies et stériles ». Afin que le mouvement prenne de l’ampleur, il faut gagner la bataille de l’opinion, convaincre les hommes autant que les femmes que la lutte est juste. Pour ce faire, le travail de l’apparence est crucial. En usant des canons contemporains de la mode, de la beauté et de l’élégance, les suffragettes présentent une esthétique enviable et séduisante. Elles ne s’affichent pas comme des femmes piochant dans le vestiaire masculin ou s’affranchissant d’une féminité traditionnelle, bien au contraire. Elles portent des robes en dentelle blanche, des ombrelles, se coiffent de larges chapeaux et se gantent les mains, tout en brandissant leurs pancartes et drapeaux. Une démarche bien réfléchie que la militante américaine Maud Wood Park, fondatrice de la Schlesinger Library, une bibliothèque consacrée à l’histoire des femmes en Amérique, à l’université de Harvard, résume en quelques mots : « Les gens peuvent parfaitement résister à une certaine manière rationnelle de voir les choses [octroyer le droit de vote aux femmes], mais peuvent-ils seulement y résister quand, pour faire passer le message, on l’accompagne d’humour et de beauté ? Pas vraiment. »
Le chemin qui conduit les femmes vers les sommets ne fait que les précipiter, en réalité, au fond de l'abîme.
... un mariage sans amour n'est rien d'autre que de la prostitution et "la femme ne s'éveille à la vie qu'après s'être ouverte au plaisir".