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EAN : 9782850611056
175 pages
Premier Parallèle (10/11/2021)
3.92/5   12 notes
Résumé :
" Le rouge à lèvres est un symbole à la fois de l'émancipation des femmes et de leur oppression. "

Tout part d'un simple geste, celui de farder sa bouche. Un geste anodin, associé par excellence à la féminité, dans lequel se jouent pourtant nombre d'invisibles dialectiques. Symbole d'émancipation des femmes ou de leur soumission, emblème de patriotisme ou de trahison, de conformisme ou de rébellion, de plaisir ou d'aliénation... Il est un langage muet... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
L'équipe du Grand Prix des lectrices ELLE a sélectionné cet intriguant essai, délicieusement intitulé Sur la bouche, au sous-titre nettement plus évocateur Une histoire insolente du rouge à lèvres. Vous imaginez bien que la première réaction de ma part fut celle de me demander dans quelle mesure pouvait-on parler d'un simple accessoire de maquillage pendant cent cinquante six pages. Evidemment que l'auteure, Rebecca Benhamou, publiée chez Premier Parallèle, ne s'est pas contentée d'en tracer ses principales dates, ainsi que l'éventail de ses nuances des plus classiques aux plus improbables, c'était très réducteur comme idée. Elle a esquissé un récit qui entremêle intimement son histoire et son rôle social dans la naissance et l'acquisition des droits de la femme.

Parce que le rouge à lèvre ne va pas sans celle (ou celui, peu importe) qui le porte, cette histoire de rouge à lèvres est aussi et surtout l'histoire de l'émergence de la femme en tant que réelle entité sociale et civile. le féminisme depuis sa naissance et son expansion à travers l'histoire. Voilà le piquant de cet essai, la façon dont la femme s'est servi de ce petit bâton de dynamite pour s'affirmer au cours de l'histoire en tant qu'individu responsable, indépendant et éclairé, au même titre que son comparse masculin. le rouge à lèvre, nous dit l'auteure, c'est l'affirmation de l'identité féminine, pas que de sa sensualité, une revendication au regard, à l'affrontement, mais aussi symboliquement à la libération de sa parole : souligner ses lèvres d'une couleur n'est pas un geste anodin. Il est en tout cas, à mon sens de femme qu se maquille ponctuellement, la marque la plus marquante, la moins neutre du geste qu'est le maquillage : une bouche nue n'a rien à voir avec une bouche colorée, qui devient ce que l'on regarde en premier, celle que l'on peut remaquiller au cours de la journée sans devoir vous coltiner des lingettes.

L'auteure emploie la métaphore de délinquance féminine pour désigner le nombre exponentiel de vols début du XXe siècle suite à la commercialisation en série de l'accessoire. Bien plus que l'aspect purement mercantile de l'expression, cette expression révèle une part certaine de vérité sur l'essence même d'enduire ses lèvres de rouge. C'est dire si le symbole qu'il porte est emblématique et lourd de sens : le rouge à lèvres est un objet de subversion depuis sa création, nettement moins aujourd'hui, un moyen d'affranchissement de l'autorité masculine, une façon de sortir d'un ordre aux lois purement fixées par la gente masculine. C'est ce subtil et tenu lien entre émancipation de la femme et évolution de cet accessoire que l'auteure s'attache à expliciter. le tout émaillé d'anecdotes littéraires qui nous rappelle sans cesse le rôle de la femme à travers les âges et la littérature, aussi bien masculine que féminine.

C'est un essai qui fleure bon l'ambiance désuète de ces parfumeries au parfum de violette des poudres Guerlain ou vanillé d'un Shalimar, c'est la première marque qui a présenté le rouge sous forme de raisin, en bâton, précédant l'arrivée des chaînes aseptisées, ou chaque cliente était unique, ou vous entreteniez un rapport cordial avec la maîtresse des lieux. Cette immersion dans ces deux histoires, celle du rouge et celle de la femme, permet de se rendre compte à quel point l'association de la femme et du maquillage porte un enjeu particulier, celui de son indépendance et de sa liberté, celui de sa façon d'oser, face à un homme qui se sent inutile, puisqu'il n'est plus celui qui donnera ou pas du pouvoir à la femme. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle, on continue de dénigrer celles qui se maquillent beaucoup en les qualifiant de la malheureuse expression de camion volé.


Histoire du féminisme, donc de la place de la femme, celle qu'elle s'est octroyée, évolution de la société, Sur la bouche est bien plus qu'un simple déroulement chronologique de faits bassement matériels, on y retrouve les femmes qui ont démocratisé et popularisé l'objet en lui-même. Dont l'icône Sarah Bernhardt, l'actrice qui, on l'apprend, a ouvert la voie à ses comparses de la liberté de jouer et de s'affranchir de l'avis et du regard de l'homme. Tout sauf anodin, le rouge à lèvres est politisé et désormais essentiel pour toute femme rentrant dans le jeu politique, l'ultime analyse est d'ailleurs très juste, autant il peut être un moyen d'assurer son ascendance, autant il est la cible des sexismes les plus insensés et ridicules.

En tant que femme, je me suis sentie étroitement liée à ce texte, il permet de se rendre compte du poids des années et des luttes, finalement une sorte de gratitude pour celles qui ont osé tenir front face au jugement populaire, à sa critique, à son dédain. En tant qu'utilisatrice occasionnelle de rouge à lèvre, de celles qui a du mal à assumer un rouge franc sur ses lèvres, j'ai eu l'occasion de ressentir le poids de celui-ci.








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Sur la bouche, une histoire insolente du rouge à lèvres de Rebecca Benhamou chez Premier Parallèle

Mon premier rouge et son étui doré, orné d'un fermoir en forme de guêpe.
Le rouge à lèvres et moi, c'est une longue histoire ! Je le porte depuis longtemps, régulièrement, signe distinctif de ma personnalité, discrète, certes, mais affirmée, aussi...
Je l'aime rouge, mat, confortable, longue-durée, j'aime son odeur désuète que je retrouve dans quelques vénérables maisons.
Il était jusque dans les dessins de mes enfants et parfois (souvent) sur leurs joues rebondies.
De nature timide, je crois qu'il disait ce que je taisais...

Alors « Sur la bouche » je l'ai dévoré.
Au moment où tombaient les masques, les bâtons de rouge devenus secs, par la force des choses, l'essai de Rebecca Benhamou tombait à point nommé. La passionnante histoire du rouge à lèvres.
De 1870 à aujourd'hui, du fard que l'on appliquait sur la bouche à l' objet qui se vendait au rythme de 10 par seconde avant la période Covid.
Il traverse les siècles et son usage est loin d'être linéaire, il alimente l'imaginaire collectif, il devient enjeu commercial au marketing percutant. Il n'a pas une histoire mais des histoires : singularisation, émancipation des femmes, soumission à des canons de beauté...
Sachez qu'il est tout et son contraire.
Femme du monde, femme des rues, coquettes, suffragettes, de la Nana de Zola à la sulfureuse Anaïs Nin, celles qui l'on fait, les papesses Elisabeth Arden et Helena Rubinstein et plus tard Estée Lauder.

Actes politiques,
Le 10 mai 1933, Goebbels, ministre de la propagande nazie ordonne à une journaliste chroniqueuse « Ni poudre sur les joues, ni rouge sur les lèvres ! »
En 1943, une unité de femmes intègre les Marines en Caroline du Nord. Roosevelt en personne convoque Elisabeth Arden puis Helena Rubinstein afin de leur demander « de maintenir l'effort de guerre en mettant le rouge à lèvres au premier plan ». Un acte économique, un symbole patriotique de mode et de féminité...
Le 7 septembre 1968, le rouge à lèvres symbole de féminité et d'aliénation sera jeté à la poubelle...
Le 14 mars 2022, le masque tombe, le rouge à lèvres est de retour.
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Rebecca BENHAMOU. Sur la bouche.

Je sors de la prison de Réau, laissant Mathieu PALAIN et son nouvel ami courir après le vent.. Je quitte l'Italie et je me plonge dans la monographie traitant du rouge à lèvres. J'ai besoin d'un peu de légèreté, j'ai passé quelques jours derrière les barreaux, arpenté les rues de Milan avec Alessandro ROBECCHI et son polar, «  de rage et de vent  ».

Cette étude retrace l'emploi de ce cosmétique, connu depuis des lustres. Oui son usage est ancestral. Cléopâtre utilisait cet artifice pour mettre son visage en valeur et séduire ses amants. Cette utilisation est, au fil du temps devenue banale. C'est le premier geste de la jeune fille, lorsqu'elle aborde la puberté et que de chrysalide, elle devient papillon, enfin femme. Elle affirme ainsi son passage à l'âge adulte. C'est aussi son premier achat, en parfumerie. Par ce geste, elle affiche, affirme et sublime sa beauté.

le rouge explose par sa couleur et ses nombreuses nuances. Regardez les présentoirs dans les parfumeries, les salons de beauté, les parapharmacies. C'est surtout depuis la fin du XIX ème siècle que la mode du rouge à lèvres s'est démocratisée. Cela est du à l'industrialisation qui a profité à tous et dans tous les domaines, grâce au développement du chemin de fer qui permet les échanges. Les grands couturiers, Dior, Chanel, Yves Saint-Laurent participent activement au développement de ce fard, créant des collections. Des personnalités célèbres, du théâtre, du cinéma, de la chanson prêtent leurs noms à des sociétés créatrices, diffusant ainsi les différentes marques dans le monde entier.

Dans cette étude exhaustive, Rebecca BENHAMOU souligne l'importance de l'apparence. Des femmes sont à l'origine de l'émancipation de leurs consoeurs. Elles ont développé des lignes complètes de beauté, créant des écoles d'apprentissage pour les jeunes filles, leur offrant l'instruction. La beauté a donc un rôle sociologique. Dans ce compte-rendu de l'usage du bâton de rouge, Rebecca donne la parole aux divers intervenants et aux utilisatrices, Cette marchandise est source de profits énormes ; elle est un phare de la puissance de marques prestigieuses. Les utilisatrices veulent toujours plus pour paraître encore plus belles. Et je pense que le « lipstick » a encore de beaux jours devant lui. Cependant les nouvelles normes de fabrication deviennent draconiennes. Certains produits ne sont plus homologués. Les femmes se tournent davantage vers des produits plus sûr, plus sains, plus naturels, bios. Aujourd'hui, nous sommes davantage orientées dans « le less is more ». En légèreté, en douceur…. Des tutos fleurissent sur la toile, des influenceuses nous harponnent. Nous voulons toutes être belles et utilisons ce fard au quotidien.

Cette petite étude est bien construite. Elle développe le rôle sociologique émanant de l'utilisation de cet artifice. La qualité prime de nos jours. Chaque femme possède au moins un tube de ce produit dans son sac à main et effectue quelques raccords dans la journée. ( 15/11/2021)

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Un livre passionnant sur l'évolution du maquillage, sa place dans l'Histoire, dans la lutte des femmes pour leur droit.
Et à travers la vision sur le maquillage, on explore la place de la femme dans la société, son indépendance financière, dans le milieu du travail, son image sur la scène public.
On remonte à l'apparition des premiers grands magasins à Paris où la femme se sentira en sécurité pour consommer et se verra offrir un large choix. On traverse l'Atlantique pour découvrir comment sont nées les grandes marques, la mise en place de l'industrie du maquillage : la légende d'Estée Lauder, Max Factory. On voyage entre l'Europe et les Etats-Unis jusqu'en 2020 croisant Niki de Saint Phal, Andy Warhol, Madonna.
J'ai particulièrement apprécié toute la communication, la publicité autour du maquillage.
On assiste au changement du symbole que représente le maquillage qui au long des années a un rôle ambivalent : émancipation, aliénation , rebellion
On apprend ainsi comment les premières grandes marques sont apparues, ont ciblé leur public, leur communication, qu'Hitler avait horreur des “femmes peintes”, on découvre la propagande des nazis contre le maquillage qui évoque les femmes européennes et américaines. Les chiffres de la vente de cosmétique deviennent même un indicateur économique, le rouge à lèvre fait irruption dans le débat politique ou est utilisé comme arme politique. Entre symbole de l'audace des femmes ou de la critique des hommes, ce livre nous révèle beaucoup d'aspects derrière ces simples gestes qu'on a pris (ou pas ) l'habitude de répéter comme une routine.
Une lecture très intéressante et instructive.
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Envie de savoir quelle place a eu le rouge à lèvres dans la vie des femmes, quand il a été une arme et quand il a été son talon d'Achille. Cet essai vous emmène des années en arrière où l'image et l'apparence avaient une importance capitale. Et quoi de mieux qu'une bouche correctement fardée pour donner de la voix.
Mais attention, ça ne sera pas toujours le cas.
Au travers de plusieurs décennies on découvre l'image de la femme, on lit sa position dans la société. On découvre le point de vue des créateurs, du pouvoir qu'ils créent. On lit l'évolution d'une société qui doit sans cesse s'adapter.
J'ai trouvé que cette enquête était très bien construite, j'ai découvert des femmes, et j'en ai redécouvert d'autres. J'entraperçois Sarah Bernhardt, Rosie la riveteuse (ou Beyoncé la riveteuse) ou Elizabeth Arden.
Bref, je passe un excellent moment, j'ai toujours un peu peur des essais, que je trouve parfois pompeux. Mais si c'est fluide, avec juste ce qu'il faut de détails et de chiffres. Je me dis qu'on a fait du chemin, mais qu'il y en a encore beaucoup à faire.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Pourquoi le rêve de l’émancipation féminine s’est-il inextricablement lié, dès le début, au monde de la beauté et de la mode ? Tout d’abord parce que les militantes doivent lutter contre moult stéréotypes de l’époque, selon lesquels les suffragettes ne seraient que des « femmes laides, extrémistes, racornies et stériles ». Afin que le mouvement prenne de l’ampleur, il faut gagner la bataille de l’opinion, convaincre les hommes autant que les femmes que la lutte est juste. Pour ce faire, le travail de l’apparence est crucial. En usant des canons contemporains de la mode, de la beauté et de l’élégance, les suffragettes présentent une esthétique enviable et séduisante. Elles ne s’affichent pas comme des femmes piochant dans le vestiaire masculin ou s’affranchissant d’une féminité traditionnelle, bien au contraire. Elles portent des robes en dentelle blanche, des ombrelles, se coiffent de larges chapeaux et se gantent les mains, tout en brandissant leurs pancartes et drapeaux. Une démarche bien réfléchie que la militante américaine Maud Wood Park, fondatrice de la Schlesinger Library, une bibliothèque consacrée à l’histoire des femmes en Amérique, à l’université de Harvard, résume en quelques mots : « Les gens peuvent parfaitement résister à une certaine manière rationnelle de voir les choses [octroyer le droit de vote aux femmes], mais peuvent-ils seulement y résister quand, pour faire passer le message, on l’accompagne d’humour et de beauté ? Pas vraiment. »
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L'objet et le geste sont omniprésents, d'apparence si banale et anodine que l'on n'y prête plus vraiment attention. Pourtant, il y a tant d'invisibles dialectique qui se jouent dans les pigments d'un bâton de rouge : l'artifice et le vrai, le bon et le mauvais goût, le conformisme et la subversion, l'engagement politique et la neutralité, le plaisir et l'aliénation...
[...]
[Le geste] est un symbole à la fois de l'émancipation des femmes et de leur soumission à des canons de beauté.
(12-13)
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Le chemin qui conduit les femmes vers les sommets ne fait que les précipiter, en réalité, au fond de l'abîme.
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... un mariage sans amour n'est rien d'autre que de la prostitution et "la femme ne s'éveille à la vie qu'après s'être ouverte au plaisir".
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