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Critique de colimasson


1927-1933 : on situe le revirement matérialiste de Walter Benjamin à cette époque alors qu'il s'était plutôt fait connaître jusque-là pour ses opinions métaphysiques. Mais ainsi que la métaphysique ne l'avait pas entièrement conquis, le matérialisme ne deviendra pas sa nouvelle religion. Walter Benjamin s'aventure sur le terrain de la pensée comme une bonne vieille dame en emplettes sur le marché. Il pourrait adopter n'importe quel masque mais il reconnaît qu'on perd moins de temps et qu'on se fatigue moins en en revêtant un seul.


Il serait long et peu représentatif de citer tous les essais contenus dans ce livre. Walter Benjamin analyse les phénomènes littéraires, sociaux et politiques de son époque sans jamais cesser de se tourner vers le passé pour donner un peu de ce relief qui manque souvent aux choses du présent. D'ailleurs, on devrait plutôt dire que Walter Benjamin interroge sans cesse l'éternel. Cet absolutiste ne juge rien d'après les valeurs éphémères d'une époque ou d'une civilisation. Son seul critère de qualité est celui de la sincérité, qu'elle soit angoisse dans son stade premier d'irrésolution, ou légèreté dans ses stades plus avancés de compréhension. Ses critiques semblent à première vue impersonnelles et froides à force d'objectivité mais, en les alignant, on découvre que ce sont toujours les mêmes interrogations qui reviennent pour pousser ses sujets d'études dans leurs retranchements. La question qu'il pose est la suivante : jusqu'où avez-vous été prêt à sacrifier votre confort pour démasquer les supercheries ?


Parmi tous les essais contenus dans cet ouvrage, j'ai surtout aimé « le caractère destructeur » qui m'a permis de comprendre enfin pourquoi j'aimais tout casser :


« le caractère destructeur est jeune et enjoué. Détruire en effet nous rajeunit, parce que nous effaçons par-là les traces de notre âge, et nous réjouit, parce que déblayer signifie pour le destructeur résoudre parfaitement son propre état, voire en extraire la racine carrée. […]
Le caractère destructeur n'a aucune idée en tête. Ses besoins sont réduits ; avant tout, il n'a nul besoin de savoir ce qui se substituera à ce qui a été détruit. D'abord, un instant du moins, l'espace vide, la place où l'objet se trouvait, où la victime vivait. On trouvera bien quelqu'un qui en aura besoin sans chercher à l'occuper. […]
Le caractère destructeur ne souhaite nullement être compris. A ses yeux, tout effort allant dans ce sens est superficiel. le malentendu ne peut l'atteindre. Au contraire, il le provoque, comme l'ont provoqué les oracles, ces institutions destructrices établies par l'Etat. […] le caractère destructeur accepte le malentendu ; il n'encourage pas le commérage.
Le caractère destructeur est l'ennemi de l'homme en étui. Ce dernier cherche le confort, dont la coquille est la quintessence. […]
Aux yeux du caractère destructeur rien n'est durable. C'est pour cette raison précisément qu'il voit partout des chemins. Là où d'autres butent sur des murs ou des montagnes, il voit encore un chemin. Mais comme il en voit partout, il lui faut partout les déblayer. […] Voyant partout des chemins, il est lui-même toujours à la croisée des chemins. Aucun instant ne peut connaître le suivant. Il démolit ce qui existe, non pour l'amour des décombres, mais pour l'amour du chemin qui les traverse. »


Quelle merveille de lire ces textes qui fouillent au plus profond de l'individu tout en gardant leur dignité froide et impassible. Les cliniciens austères ont eux aussi des états d'âme…
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