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Critique de de


En vérité, un cycle se clôt

Avant de m'affranchir de la lettre du récit, je reproduit le résumé de l'éditeur :

« Omar retrace dans ce livre un itinéraire précurseur, le sien : comment, jeune Français d'origine algérienne, il est devenu, au milieu des années 1990, l'un des premiers « barbus ». Il raconte les étapes successives de sa quête d'identité : décrochage scolaire, apprentissage accéléré de l'islam dans les mosquées de la région parisienne, voyages initiatiques à travers le monde, puis défonce sur les pistes de danse. Au terme de ces expériences, il trouve finalement son équilibre dans une pratique spirituelle apaisée. Il y a dix ans, alors qu'un nombre croissant de jeunes font le choix de l'islamisme, Omar coupe sa barbe et redevient invisible. Commence alors pour lui une nouvelle quête, ne visant plus ni l'absolu ni la distinction, celle du calme intérieur. le parcours singulier d'Omar aide à comprendre celui d'autres jeunes qui, aujourd'hui, se cherchent dans la religion. »

Un livre, pas seulement un récit, des mots et des phrases qui donnent sens au passé proche et au présent, « Je ne cours plus, je lis, j'écris ». Omar Benlaala donne à voir, à un travers son livre, une histoire, des possibles et des bifurcations, des ruptures… « N'ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j'allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais ».

Milieu des années, une ville et un quartier populaire, « leurs vêtements suintent l'humilité, leur mine l'épuisement », des rencontres plausibles…

Changement de look, barbe et ce « mixte entre la tunique héritée de l'arrière-pays pakistanais et la robe de l'homme d'affaires saoudien », sans oublier le turban « Et si, en plus, dans le package, ils fournissent le turban… »

Un monde si différent et si proche, entremêlé à ce qui lui semble séparé, monde des croyants, monde des super-héros, autre temporalité, « une discipline bien venue : apprendre me manquait ». Un monde de mots, de métaphores, « mais je n'ai pas aperçu aucune nuée de flamants escorter le groupe ». Dois-je rappeler ici que les lectures ne sont jamais littérales, hors des espaces et des temps…

Échapper à sa condition, pas forcément « devenir un virtuose », participer et être… Trouver et mettre une clé dans une serrure pour ouvrir les portes… « Je résume ma joie d'avoir trouvé un lieu de vie, des amis, ma nouvelle ambition, et tout un tas d'histoires ».

La société nous fait malades et « Au malade, il faut un remède radical. le comportement irréprochable que promet l'institution religieuse apparaît comme une panacée ». Il fut un autre temps où le radical se nommait « socialisme »…

Chacun-e se construit ses mondes plausibles, les pensées plus ou moins contraintes par les environnements et les possibles envisageables, « mon imagination se hâte de construire des mondes où je suis le héros », et ce héros est invité à parler, à prêcher, « Moi, le boutonneux de service, je devenais celui dont on parle, que l'on regarde, et j'adore ça », amour propre, rayonnement et retour à la réalité du métro parisien et ses jeux de miroirs, « Je me sens tout d'un coup moins seul, mais redeviens insignifiant… ».

Rapport avec d'autres jeunes, le respect, « j'ai taquiné le juge quand eux n'ont pas dépassé le commissariat », sociabilité et socialisation des hommes…

Voyage en Inde, au Pakistan, « Et à mon âge, mesdames et messieurs on ne craint rien. On expérimente ». Voyager alors, ce n'est pas comme aujourd'hui, « Aux yeux des douaniers, nous sommes des excentriques, pas encore des suspects ». D'autres rapports aux êtres humains, d'autres relations spirituelles, d'autres inclinaisons sensorielles, « le son, bien plus que l'image, fait la différence : le sermon est psalmodié, comme c'est de coutume pour la récitation des versets du livre »… Beauté du langage des « chants » religieux…

Un voyage expérience, « Un mois au Pakistan vaut un an sous les armes » ; dérivés religieux et commerce, « Les commerçants entourent la poule aux oeufs d'or de mille attention » ; le devoir de croyant, « ici, on responsabilise ; on n'ordonne pas » ; des interrogations « ma religiosité ne serait pas, comme la sienne, le fruit d'un conditionnement ? »…

Retour, les constatations grimaçantes, « A ma gauche, une femme aussi outrageusement fardée que je suis travesti ; nous sommes bien plus semblables que sa grimace ne le suggère : la camouflage diffère, pas la pathologie »…

Le désir d'autres moments, d'autres rencontres, « laissez-moi danser », le contact avec les femmes ; faire et défaire, « le religieux se nourrit de remords » ; retour à la drogue, « la drogue ne crée qu'un semblant d'égalité » ; la fin d'un cycle, « Entre le saint et le noceur, les premières semaines de cohabitation sont un cauchemar » ; de « lumière du quartier » à vampire…

Changement de vêture, d'accoutrement, reste la barbe « collée à ma gueule de métèque, que je me refuse à élaguer, persuadé que je ne fais que traverser les limbes », gueule de métèque, cette gueule qui ne rentre pas dans le moule d'une certaine blanchité, cette gueule aussi des schwartz, ces juifs/juives des années 30, ces immigré-e-s de l'Europe de l'est, ces immigré-e-s de autre coté de la Méditerranée… Et aujourd'hui ceux/celles qui sont et ne sont pas vraiment des « français » comme les « autres », ceux/celles qui portent aussi une casquette à l'envers, un foulard, une perruque, un turban, une kippa, des signes qui les font montrer du doigts… Mais je m'égare…

Retour sur soi, basculement du siècle « Ni les tapis, ni les parquets ne me retiennent plus ». Nouvelle spiritualité, Chypre, le dhikr… « je décide de trancher dans le vif ».

Le dernier chapitre « Anonyme ». La barbe coupée, un petit logement, un contrat, deux années à la Réunion… Retour au quartier « Un rêve se réalise. J'ai enfin acquis le seul véritable superpouvoir : l'invisibilité ». le temps aussi de l'écriture, « Je ne cours plus, je lis, j'écris ».

Un livre, un écrivain plein d'humour, loin des inventions complotistes, des simplifications racialisantes… Il est des rêves dont on ne se réveille pas, d'autres qui tournent au cauchemar, d'autres enfin qu'on espère rêver…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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