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Critique de Croqueuse2vie


Le roman d'Aouar Benmalek se dévore tant nous sommes pris dans un récit sombre aux légères touches de lumière. Les événements prennent place en Mésopotamie à l'époque sumérienne, et surtout au coeur du conflit en Syrie, jusqu'aux frontières turques et irakiennes. Nous découvrons les populations peuplant ces espaces et leurs croyances. Premiers monothéistes, musulmans sunnites et chiites (modérés ou extrémistes), yézidis. le travail de documentation de l'auteur sur les époques passées, les textes religieux, et le contexte géopolitique actuel se ressent d'ailleurs.

Le rythme extrêmement bien soutenu nous fait passer d'un protagoniste à l'autre et d'une époque à une autre. Brutalement au début, puis de plus en plus subtilement. Car si nous découvrons l'histoire des personnages par étape, certains destins finissent par se croiser. Nous rencontrons ainsi le personnage central de Tammouz, être divin ou diablotin, l'ami des chats faiseur de miracles, qui semble traverser les millénaires ; Zayélé et ses deux enfants Reben et Aran, des Yézidis de Syrie ; Yassir et Houda, les deux amants musulmans syriens rappelant Qaïs et Leïla ; Ibrahim Fawzi, musulman irakien tombé dans le djihadisme après des bouleversements psychologiques (l'invasion des Américains a privé son bébé de soins et il a subi la torture des troupes de Bachar al Assad) ;  Adams, l'Américain d'origine Amérindienne venu combattre auprès des Kurdes. Et puis les personnages secondaires, comme Pierre, le Français tombé amoureux de Zayélé, Ferhad, le Kurde binôme d'Adams, ou encore le djihadiste parisien. Tous particulièrement bien brossés puisque loin de l'écueil des "bons" et des "mauvais". La complexité humaine s'avère parfaitement retranscrite.

En toile de fond apparaissent des questions existencielles relatives aux religions et aux conséquences terrestres qu'elles entraînent. Dieu ordonne-t-Il de tuer ? Ou est-ce une interprétation de l'Homme ? L'être humain se cacherait-il sinon derrière l'étendard divin afin d'assouvir ses ambitions de dominations ? C'est là toute la profondeur du récit : une fiction aux racines bien réelles, qui ouvre plus largement sur la question de la foi. Je préfère vous avertir : les faits abordés sont difficiles de par les sujets évoqués. Il est notamment question de conflits armés, de torture, d'esclavage sexuel (avec le rejet par déshonneur des femmes violées quelle que soit la mouvance ethno-religieuse), de pédophilie, de lapidation. Pour autant, l'auteur ne tombe pas dans des descriptions détaillées malsaines. Il dit des réalités sans aucun voyeurisme. de la vérité crue rendant compte de l'ignominie des comportements humains, particulièrement lorsqu'il est question de croyances.

Et au milieu de l'horreur, le fil conducteur bien mince de l'amour sous toutes ses formes. L'amour entre deux êtres (charnel ou platonique), l'amour d'une mère, d'un père, l'amour fraternel, l'amour empathique envers son prochain, l'amour de l'art. En somme, un livre qui secoue mais fait ainsi réfléchir sur l'humanité.
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