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Critique de Presence


Ce tome fait suite à (1) Angela: Asgard's Assassin et (2) 1602 Witch Hunter Angela qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il comprend les épisodes 1 à 7 (l'intégralité de la série) initialement parus en 2015/2016, écrits par Marguerite Bennett, dessinés pour partie par Kim Jacinto (pour l'histoire principale, avec une mise en couleurs de Israel Silva) et Stéphanie Hans qui réalise ses propres couleurs (pour les retours dans le passé). Ce tome vient clôturer les histoires écrites par Marguerite Bennett (coécrites par Kieron Gillen pour les 2 premiers tomes).

8 mois ont passé depuis Secret Wars (2015) de Jonathan Hickman & Esad Ribic. Dans ce temps présent, Angela est devenue la reine de Hel (les enfers de la mythologie asgardienne), Sera est à ses côtés. Elle s'apprête à décapiter Hela, la déesse asgardienne qui régnait jusqu'à il y a peu sur le domaine de Hel. Il y a 8 mois, Angela entamait son long périple qui l'amènerait à cette situation. Pour sauver l'âme de sa compagne Sera, elle entamait ce voyage à travers les enfers eux-mêmes, une forme de manifestation de souvenirs des individus y séjournant. Elle va devoir passer les 3 épreuves de la Peur, du Chaos et de la Douleur.

Peu de temps après son arrivée dans le royaume de Hel, Sera se manifeste et s'incarne devant elle, lui servant de guide. À plusieurs reprises, Angela s'interroge sur comment Sera a acquis autant de connaissance sur ce royaume. Hel fonctionnant aussi sur la base de souvenirs, c'est l'occasion de remémoration sur l'histoire commune d'Angela et de Sera dans le royaume de Heven, le dixième royaume qui fut élagué d'Yggdrasil. Il y est question de l'enlèvement d'Angela à sa mère Freyja, de la vie au milieu des anges quand on n'a pas d'aile, et des Hiérophantes et de leur temple.

Ce tome s'ouvre avec la dédicace adressée par Marguerite Bennett à Kieron Gillen, dans l'épisode 7 : des remerciements venant du fond du coeur. Effectivement au fil des épisodes, le lecteur peut déceler l'influence de cet auteur, même s'il n'est plus coscénariste. Bennett continue l'histoire personnelle d'Angela, c'est-à-dire qu'elle bâtit les origines du personnage. En effet il s'agit d'une héroïne récente, créée en 1993, mais intégrée dans l'univers Marvel en 2013. Sur la lancée des 2 tomes précédents, elle montre une guerrière qui part à la recherche de son amour aux enfers. Il s'agit donc d'une relation amoureuse, et pas de nature platonique entre 2 femmes. La scénariste continue de développer les liens entre le personnage et la mythologue asgardienne à la sauce Marvel, c'est-à-dire la série Thor. Pour ce faire, elle suit l'exemple donné par Kieron Gillen.

Alors qu'un lecteur effectuant des séjours réguliers dans l'univers partagé Marvel aurait pu penser que la mythologie asgardienne était fossilisée et immuable, les responsables éditoriaux ont permis des modifications. C'est ainsi que dans Thor by Gillen, Kieron Gillen avait intégré de nouvelles entités (les Disirs) en faisant le nécessaire pour leur donner de l'épaisseur et une légitimité dans l'histoire d'Asgard. Dans la série Journey into Mystery, il avait donné de la crédibilité à une version jeune adolescent de Loki, et également intégré de nouveaux personnages comme Leah et Thori (un jeune chien un peu particulier). Dans les présents épisodes, Marguerite Bennett se souvient de ces apports et les utilise. C'est toujours un plaisir de revoir les Disirs ne serait-ce que brièvement.

La scénariste suit également les pas de Gillen, dans le sens où elle trouve elle aussi des degrés de liberté et des possibilités d'extension de la mythologie, sans remettre en cause l'existant, sans le renier. de ce point de vue, elle offre à Angela une histoire personnelle et spécifique, dans la continuation des bases posées par Jason Aaron et Al Ewing dans Original Sin: Thor & Loki: The Tenth Realm. Elle commence à explorer les possibilités offertes par ce dixième royaume et à y bâtir une hiérarchie.

Comme Kieron Gillen, Bennett construit son intrigue sur la base d'une sorte de conte : une descente aux enfers pour le personnage principal. Il y a donc un suspense quant aux épreuves à réussir, à la façon de triompher d'Hela (puisque que le résultat est annoncé dès la première page). Les épisodes 6 & 7 constituent une nouvelle histoire plus légère, tout aussi nourrie de références (cette fois-ci à 1602 Witch Hunter Angela). La scénariste surprend ses lecteurs en réussissant à rapatrier des éléments de cette histoire, a priori conçue pour passer le temps, pendant que se déroulaient les Secret Wars. D'une certaine manière, elle remercie les lecteurs en leur montrant que cette minisérie précédente compte dans la continuité du personnage. le lecteur apprécie également la manière décontractée avec laquelle Bennett intègre des touches d'humour, à commencer par la moquerie de Sera, jusqu'aux remarques brisant le quatrième mur.

Pour autant, tout n'est pas parfait dans la narration de ce récit. Comme dans le tome précédent, le lecteur éprouve la sensation que les actions des personnages ne collent pas toujours avec les dialogues. Les personnages ont beaucoup de choses à dire, de faits à établir, et les images parfois partent dans une autre direction pour montrer l'action, comme si la scénariste n'arrivait pas ou ne souhaitait pas s'adapter aux pages dessinées. Or le lecteur retrouve avec plaisir les dessins de Stéphanie Hans, présente depuis le début de cette version d'Angela.

Stéphanie Hans réalise toujours ses pages à l'infographie, en ayant choisi une apparence de peinture directe. Elle réalise 9 pages dans l'épisode 1, 4 pages dans l'épisode 2, 4 pages dans l'épisode 3, 6 pages dans l'épisode 4, 5 pages dans l'épisode 5, et 10 pages dans l'épisode 7. Cette artiste fait varier le niveau de description en fonction de la séquence, s'attachant à introduire une vision expressionniste des décors. Il ne s'agit pas pour elle de décrire le plus précisément possible, mais de rendre compte d'une luminosité, de l'impression produite par les principaux éléments du décor, ceux qui donnent les lignes directrices. le lecteur regrette un peu qu'elle n'ait pas eu le loisir de dessiner de plus grandes cases, pour que son approche graphique s'exprime mieux. Il note quelques cases qui ressemble à des esquisses préparatoires, plutôt qu'à des dessins finis dans l'épisode 3, mais c'est la seule et unique occasion.

Kim Jacinto dessine de manière plus traditionnelle, avec des traits encrés pour détourer les formes. Par contraste avec Stéphanie Hans, il dessine de manière descriptive. À plusieurs reprises dans les postures des personnages, le lecteur observe qu'il s'inspire de celles établies par Olivier Coipel quand il dessinait la série Thor, avec des scénarios de Joe Michael Straszynski, ce qui confère une forme de noblesse aux personnages, à commencer par Angela elle-même. Il prend soin d'éviter de représenter les femmes dans des postures trop sexistes. Il ne recourt pas à des tailles de bonnet exagérées. Il accorde le devant de la scène à Angela, avec des gestes et des postures qui montrent toute sa force et sa puissance. Il lui donne une implantation capillaire un peu surprenante, avec une ligne de cheveux très en arrière.

Les 5 premiers épisodes se déroulent dans le royaume de Hel, des environnements qui sont donc dictés par l'esprit des individus, pas de vrais décors. Cela semble être un prétexte suffisant pour que les arrière-plans soient mangés de brume, à demi visible, voire inexistants. Un rocher, une ou deux colonnades brisées suffisent pour évoquer un vague décor en toile de fond, sans aucune incidence sur le déplacement des personnages, ou sur leur positionnement. Il fournit plus d'efforts pour les épisodes 6 & 7 qui se déroulent sur Midgard (la Terre). Il représente une façade de maison, un intérieur d'appartement, les arbres de Central Park, une scène de théâtre en plein air, le pont de Brooklyn. Il est donc possible qu'une partie de cette impression de dissociation entre ce qui est montré et ce qui est dit provienne pour partie de cette approche graphique prosaïque et pas tout à fait assez consistante. Israel Silva effectue un travail de mise en couleurs compétant, ajoutant un peu de volume par le biais de dégradés dans une même surface.

Ce tome vient conclure une forme de trilogie apportant de la consistance à Angela, un personnage importé de manière artificielle dans l'univers partagé Marvel. Kieron Gillen et Marguerite Bennett ont su trouver un espace de liberté pour construire quelque chose et ont fini par légitimer la possibilité de cet improbable dixième royaume qui aurait été détaché de l'Yggdrasil. La narration ne fut pas toujours fluide, mais les coscénaristes et les artistes ont raconté une histoire originale et dense.
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