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Critique de belcantoeu


Ce roman bien ficelé, qui se passe durant la guerre 14-18, allie le sordide au sublime, comme d'autres oeuvres de Pierre Benoit, avec d'autres héroïnes dont le prénom commence aussi par A: Axelle, Allegria, Anne de la Ferté... Il prend la forme originale d'un long récit à son avocat fait par Alberte depuis une maison d'arrêt, et ce n'est qu'à la page 247 et dernière, qu'on apprendra ce qui est reproché à cette femme sensible, coupable et victime. Un peu comme Thérèse Desqueyroux de Mauriac, le roman commence donc en quelque sorte par la fin.
Pendant tout ce temps, l'impatience du lecteur est soutenue par des phrases telles que «J'avoue que je n'avais pas prévu de qui allait se passer», «On verra par la suite que j'aurais dû être plus attentive», «C'est surtout à la lumière des événements qui ont suivi que j'ai compris» ou «Hélas, pouvais-je deviner...» ainsi que par quelques indices, insuffisants cependant pour expliquer l'incarcération.
Après quelques années d'un mariage avec un mari terne comme la pluie, Alberte, résignée et passive, se retrouve veuve d'un mari épousé sans amour et sans plaisir, et ne s'habille plus désormais que de noir, comme il convient en province. Un jour, sa fille Camille qui a fait de brillantes études à Paris, lui annonce triomphalement ses fiançailles avec Franz, un jeune ingénieur qui a déjà quelques brevets à son actif dans le domaine de l'automobile et ne parle que de différentiel, carter d'embrayage, gicleur, etc. Elle annonce aussi leur arrivée, pendant un mois de congé, pour lui présenter son fiancé. le seul obstacle pour les amoureux, c'est que nous sommes en pleine guerre 14-18. Franz, qui est polonais, est né dans une région sous contrôle allemand et n'arrive pas à obtenir un acte de naissance nécessaire pour se marier. Sous la pression de Camille, Alberte délaisse peu à peu le deuil, se maquille, et se découvre femme. le séjour des tourtereaux se prolonge, et en bonne catholique, Alberte se demande avec effroi si sa fille n'est pas passée du statut de fiancée à celui de maîtresse.
Franz a conçu une automobile à la technologie révolutionnaire, à traction avant et comportant notamment un frein hydraulique. C'est dans ce bolide que le trio se promène dans la campagne conduit tantôt par Franz et tantôt par Camille.
Pierre Benoit sème insensiblement quelques indices montrant que Franz est de plus en plus attiré par la mère et de moins en moins par la fille, et qu'il ne fait rien pour hâter son mariage. Pire, le récit donne à penser que Franz est devenu malgré elle l'amant d'une Alberte trop passive pour pouvoir lui résister. Pour en sortir, Alberte réussit à obtenir les papiers et fixe la date du mariage avec le maire et le curé, mais entend Franz murmurer «Jamais». La veille du mariage, Camille se rend en voiture à la ville et ne revient pas. On la retrouve morte en contrebas d'un virage sans doute manqué. le frein à main était tiré, mais il n'y avait pourtant aucune trace de freinage sur la route.
Les funérailles à peine terminées, Alberte ne résiste plus à Franz, et découvre l'amour sur le tard, tout en étant torturée par le côté sordide de la situation. Impossible de rester au village. Ils s'installent à Paris où Franz a constitué une société automobile avec un certain Monsieur X.
Franz, qui a sept ans de moins qu'elle, lui propose de l'épouser, mais l'image de Camille s'interpose et elle refuse. Avec le temps, Franz est de moins en moins assidu et prétend devoir dormir à l'usine pour prévenir des sabotages. Il «n'est plus à un mensonge près» et est devenu l'amant de Cécile, la fille – beaucoup plus jeune qu'Alberte - de Monsieur X. Des fiançailles sont annoncées. Alberte aime encore celui qui lui a fait découvrir l'amour et exige une explication. Il avoue, mais se dérobe aux explications qu'il n'offre de fournir que le lendemain. «Demain, Franz, fais attention, ce sera trop tard... je ne serai plus là». Franz s'en va quand même, et deux heures après, Alberte est dans le train pour son village. Comme Hercule Poirot au dernier chapitre, elle obtient de son ancienne domestique et du garagiste les confirmations de son intuition sur l'accident de voiture et la mort de Camille: Franz avait vidé l'huile du frein hydraulique et n'avait pas installé le témoin de pression d'huile. Alberte se fait alors conduire chez le procureur de la république et dépose plainte pour assassinat. Cette avant-dernière page du récit fait par Alberte à son avocat éclaire la première («J'ai écrit avec la fièvre d'une pauvre femme qui peut enfin dire la vérité, alors que huit années durant elle a vécu captive du plus monstrueux des mensonges»). À la dernière page, une quinzaine de lignes avant le point final, le juge d'instruction qui vient de décerner un mandat d'arrêt contre Franz, lui déclare «Par application de l'article 60, paragraphe premier, du Code pénal, je me vois dans l'obligation de vous inculper de complicité et de décerner immédiatement contre vous un mandat de dépôt».
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