AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zoeprendlaplume


Des nuées est un roman à recomposer. Chaque chapitre est comme un os, une pièce d'un cadavre étendu sur la table de la morgue. Un vrai puzzle.
La structure morcelée du roman accompagne une intrigue du même acabit. En effet, il y a dans ce roman beaucoup de personnages, de lieux, et d'époques. Les personnages sont nombreux, et ça vit, ça meurt très vite. Les cadavres pleuvent, l'assassin court vite, les policiers sont comme des guêpes en fin de saison : aux abois. Les points de vue et les voix sont changeants, apportant encore un peu de complexité supplémentaire. Ajoutons à cela un roman qui met un peu de temps à démarrer quand à Johannesburg tout va à 3000 à l'heure.
Enfin, l'ambiance kaléidoscopique apporte une sensation similaire. Ce roman, c'est une métamorphose à chaque page. Extrêmement coloré mais avec des couleurs qui se chevauchent, se battent, se superposent. Et toujours cette impression de violence sous-jacente, tout aussi brute et sans fard, jusque dans les cirrostratus déchiquetés.
Néanmoins, je parle d'un roman squelette parce que je le vois vraiment comme un assemblage de petites pièces à remettre dans l'ordre, mais je trouve que c'est inexact tant ce roman vit, bouge, se meut. Il n'est jamais fixe, et à chaque page il semble qu'il nous échappe.

Olivier Bérenval signe ici une sorte de roman de l'humanité. Avec un des personnages qui fait office de référence et de fil rouge tout au long du récit et la paléoanthropologue Elsabe, on remonte le temps. La recherche a beaucoup avancé des dernières années, et j'ai trouvé que ce qui était avancé reflétait bien justement tous les tâtonnements qui agitent la recherche dans le domaine. En tout cas, c'était assez intéressant et vertigineux de faire ce voyage géographique et temporel, sur une aussi longue échelle.
Vertige généré par le décalage entre le présent et le passé de l'Humanité assez prononcé. Malgré tout, tout ceci reste cohérent, et passionnant, même si on galère un peu à s'y retrouver. Car le personnage fil rouge s'adonne à de nombreuses réflexions sur les effets de la civilisation sur l'Homme. Ce personnage se fait alors anthropologue et ethnologue, et j'ai trouvé ses réflexions, générées par son recul sur son vécu, passionnantes. Ce faisant, Des nuées est un roman très humain, dans tous les sens du terme.

Des nuées est également un roman policier, mais qui ne suit pas le cadre habituel. Certes, il y a des cadavres, un assassin potentiel, un peu de suspense. Mais pas de suspects, d'interrogatoires, de pistes…
L'ambiance policière permet surtout de donner un aperçu des villes du Cap, de Johannesburg et de Pretoria. On prend conscience de l'état très morcelé de cette société, où les différences ethniques, sociales, économiques… se côtoient plus qu'elles ne se mélangent. L'enquête policière permet donc de prendre le pouls du pays et d'offrir un cadre très brut, terre à terre.
Et puis ce roman policier mélange quand même deux ingrédients qui semblent irréconciliables : le souci réaliste dans la peinture sociale, et le surnaturel qui débarque peu à peu. Cela m'a un peu fait penser aux romans de Sarah Buschmann chez Noir d'absinthe, comme Sorcière de chair. Il me semble qu'il y a une similarité assez grande entre les deux romans, dans le jeu de contrastes mis en scène. J'aime aussi la manière dont ces romans dépoussièrent et modernisent des figures traditionnelles de l'imaginaire : la sorcière chez Sarah Buschmann, et le vampire chez Olivier Bérenval.

Car Des nuées est définitivement un roman de contrastes. Un roman qui jongle entre des humains contemporains et des personnages aux pouvoirs flous et qui traversent les époques. Et aussi un roman qui développe une intrigue quasi mystique dans un cadre matériel. A la vie concrète et rude de tous les jours répond un discours plus éthéré et métaphysique. le titre est particulièrement évocateur. le roman joue en effet beaucoup sur cette image de murmurations, dont plusieurs illustrations ornent d'ailleurs le roman. le coeur du récit est construit sur cette idée. Un rassemblement de petits bouts épars formant un tout uniforme, et une sorte de langage qui permet d'unifier et de lier tous ces petits bouts ensemble.
Il en ressort alors quelque chose qui nous fait faire un grand écart à chaque page. Et de tout ce mélange improbable se dégage une certaine beauté, que la fin étrange et très ouverte renforce, à sa manière. Car il reste pas mal de questions sans réponses, mais n'est-ce pas là aussi une manière de garder la magie intacte, et donc belle ?
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/o..
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}