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Critique de fabienne2909


Une jeune femme rencontre dans un festival une star de la musique qui va en faire sa muse. Une rencontre due au hasard qui va guider entièrement la vie de celle-ci, sans qu'elle le choisisse vraiment. Une énième groupie du pianiste ? Oui et non, et c'est ce qui va faire tout l'intérêt du deuxième roman rédigé par Claire Berest.

C'est qu'elle est difficile à cerner, cette Alma (prénom qui semble cher à l'autrice, puisque ce sera le nom du personnage d'un autre de ses romans. Alma, « l'âme » ? Un âme soeur ? le reflet fantasmé de l'autrice ? J'ai eu envie de le croire…). Tout juste diplômée d'une maîtrise de lettres, elle s'est inscrite en DEA « avec un professeur qu'[elle] admir[e] au plus haut point et qui accept[e] de diriger [son] mémoire » pour donner une direction à sa vie, tant elle semble ne pas savoir vers quoi s'orienter. le hasard choisira pour elle, par le biais d'une rencontre coup de foudre avec John, ce célèbre chanteur qui flashe sur elle, et qui l'embarque dans sa vie, se repose sur elle, puisqu'« il avait décidé, du jour de [leur] rencontre, qu'il ne s'en remettrait plus qu'exclusivement à [elle]. Pourquoi ? Ce n'était pas la question. En [l]'entrevoyant, il avait saisi un fragment de [ses] réalités, une de [ses] portes battantes, il avait décidé d'épouser ce fragment ». Alma plaque donc tout dans la minute, études, famille, amis, pour aller se perdre avec John. Ou dans John, c'est selon, tant elle ne fait plus qu'un avec le chanteur qui décide de tout, comme un jumeau dominateur. Elle l'accompagne dans ses tournées, erre dans des villes en attendant le concert et la prochaine étape, une ville quelconque où le concert recommencera, dans une boucle sans fin. Elle se perd, au point de ne plus savoir où elle est, ni quel jour on est, dans cette répétition sans fin propre aux saltimbanques.

Qui est Alma ? le sait-elle vraiment, elle qui se décrit comme étant là et pas là, cherchant à disparaître : « J'ai les jambes égratignées, la musique du festival perdu en pleine campagne m'arrive par vagues et par sursauts, les basses font vibrer la terre, je ne bouge plus, laissant les bêtes grimper sur moi, me demandant si, avec le temps, je pourrai me dissoudre complètement dans ce champ, et ainsi m'absenter pour de bon » ? Elle erre ainsi pendant tout le roman dans un état à la limite de l'hébétude, dans un monde à la langue (anglaise, mais aussi celle du spectacle) qu'elle ne maîtrise pas, ne souhaite pas maîtriser, elle qui devient un être sans contours ni limites, sans émotions réelles : « J'étais une femme de vingt et un ans, sans nationalité, sans langage déterminant, sans projets, sans amis. Une énergie, j'offrais mon énergie à un homme de trente-deux ans qui ne partageait rien de ma culture ou de mes souvenirs d'enfance. Et je faisais ce cadeau gratuitement, sans rien attendre en retour, monstrueusement. J'étais sans ombre ».

Ainsi, depuis sa rencontre avec John, elle s'est fondue en lui, et lui en elle, mais cela paraît moins problématique pour lui qui semble avoir sa personnalité propre et qui semble d'ailleurs avoir le dessus sur elle, pour devenir un duo hybride, un être à deux têtes et quatre jambes, puisque John lui demande rapidement d'écrire des paroles pour lui, puis de les interpréter sur scène : « Tu dois écrire des paroles pour moi. J'ai besoin de la présence d'une femme, d'une étrangère, dans tous les sens du terme, une étrangère qui n'a rien à faire là, et qui vient perturber la machine. Viens perturber ». Demande qui achève la fusion entre deux êtres, mais qui est également le début de la fin (je ne dévoile rien, Alma l'écrit dès les premières pages) car une lutte contre le phagocytage (de quel côté ? je vous laisse le deviner) se mettra bientôt sourdement en place : « L'autre est vous-même. On ne peut s'en séparer qu'en se suicidant. Et il faut maîtriser pour cela un certain courage ».

« L'orchestre vide » est magnifiquement écrit, ses 165 pages se sont lues à toute vitesse. Mais malgré cela, je me suis sentie oppressée par ce sacrifice constant d'Alma, que je n'ai pas compris (à l'instar du personnage toutefois, qui ne fournit aucune justification). A force pour Alma d'être si à distance d'elle-même, impossible de créer un lien avec quiconque et surtout pas avec le lecteur, qui reste donc en-dehors, ce qui a constitué pour moi la difficulté de la lecture de ce roman. Pas un loupé donc, mais pas non plus un coup de coeur.
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