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Critique de AllinRuh


J'étais très intriguée par ce joli livre cartonné, ayant lu Moby Dick d'Herman Melvill, et Melville, un livre mi-biographique mi-autobiographique du maître Rodrigo Fresan. Or ce livre n'a rien en rapport avec Moby Dick, si ce n'est un arc intéressant mais tiré par les cheveux: Achab serait obsédé par Moby Dick comme un père péd*phile envers son enfant, qui développe lui même une sorte de syndrome de Stockholm (Moby Dick qui évolue autour du bateau de Achab).
Faire le parallèle entre Moby Dick et une prostituée soumise avide de sexe (l'enfant abusée devient une prostituée soumise éprise de bondage) est un parti pris très déstabilisant, mais que je peux envisager. Cependant, on le comprend rapidement à la lecture du livre. le coucher explicitement sur le papier annule vraiment le peu d'effet que pouvait avoir ce parallèle. Écume n'est pas seulement un élément marin, mais aussi une métaphore pour le sperme et la cyprine. On nous le dit directement et on nous le rabâche sans cesse, c'est vite lassant de mêler des orgies humaines et des massacres animaliers, sans vraiment que l'un ne renforce le propos de l'autre.
J'ai été très déçue que l'histoire ne soit pas poussée plus loin.
Le schéma de l'histoire est extrêmement répétitif : Anaïs vient sur le bateau d'Ismaël, puis demande à accoster pour reprendre ses orgies et retrouver sa fiancée, puis revient sur le bateau d'Ismaël, puis accoste pour les orgies et sa fiancée... Et cela environ cinq fois de suite, sur 400 pages, sans qu'il ne se passe autre chose.
Il n'y a pas d'histoire et pas assez de poésie pour se passer d'histoire. En effet certains passages sont des poésies (écrites comme telles, retour à la ligne etc), mais sont quasiment les parties les plus mal écrites du livre. Je ne comprends pas le parti pris de l'ouvrage multiple lorsque cela ne sert ni la cause du récit, ni la poésie de la langue, l'émotion. L'auteur étale ses références de manière exubérante, le livre est très pompeux sans parvenir à avoir un réel fond.
L' enjeu écologique (voir militant tout cours) est mal traité , on nous ponctue continuellement tout ce qui ne va pas dans l'océan et ailleurs, entre deux scènes de sexe répétitives entre des personnages pour lesquels on n'a développé aucun intérêt. Anaïs n'est pas attachante et on ne sait rien d'Ismaël, hormis un chapitre entier dédié à... l'origine biblique de son deuxième prénom.
Quelque part, Moby Dick est déjà une fable écologique. Il aurait pu être plus intéressant de décrire un MD en piteux état et bien loin de la créature légendaire du mythe, pour dénoncer les dérives de l'activité humaine. Or, alors que c'est la quête de toute l'histoire, rien de spécial ne se passe lorsque Ismaël rencontre enfin Moby Dick.
Des passages sont vraiment mal amenés, notamment celui sur le conflit israélo-palestinien, qui vient totalement couper l'histoire. Il est posé là, brut, sans vraiment se mêler au récit ou l'étoffer.
Le parallèle entre la péd*philie, la soumission et la quête de harponner la baleine, l'obsession, est très grossier et beaucoup trop explicite. J'ai trouvé cela redondant et mal raconté. On se serait aussi volontiers passé des détails des actes péd*philes, si ça avait été le sujet, cette violence aurait pu être intéressante, mais à j'ai trouvé étrange d'être par moment dans la tête du géniteur vi*leur/incestueux/péd*phile, sans plus travailler sur cette folie, et la gravité de ses conséquences.
Je n'ai rien contre les récits qui racontent la violence avec violence surtout si les auteurs l'ont eux mêmes vécue, mais là j'ai trouvé complètement gratuit.
Je suis très gênée de dire ça, car peut être est-ce inspiré de vécu réel, mais j'ai eu l'impression de lire un phantasme bourgeois du bondage et de la prostitution, et la satyre atteint son paroxysme dans la citation suivante: "Nue, tenue en laisse, au sol, je lis Spinoza tandis que Jaran me décortique le mode de pensée thaï."
Il y a quelques très jolies phrases (notamment le résumé du livre), mais d'autres sont tout simplement dépourvues de sens.
On passe de l'anglais, à l'allemand, au latin.
Exemple " Mon esprit dit non because l'agonie des animaux sauvages"
A deux reprises, est dit "dans la langue de Goethe", mais à aucun moment le mot "allemand" est écrit, donc ce n'est pas une expression choisie pour éviter les répétitions, mais juste pour faire recherché.
Également, parfois des mots qui ne sont pas des verbes sont placés et conjugués en verbe. C'est un exercice de style original, si c'est utilisé une ou deux fois, mais là c'est constant, ex "Sans se réveiller, Anaïs baby doll un soupir, fruit de tumultueuses traversées oniriques."
D'autres part, pour la gloire des sonorités et "jolies phrases", l'auteur écrit parfois des choses qui ne veulent rien dire : "Entre elle et le maïs, c'est la guerre" , si vous voulez le contexte, il n'était pas question de maïs dans l'histoire.
Je finirais par deux citations extraites du livre qui pour moi le résume bien:
"Une pause. Pauvre lecteur, surtout s'il n'est pas Bruxellois, de se farcir cette page. Mais il a tout le loisir de la sauter".
Et "Pauvres lecteurs qui veulent nager avec Moby Dick et qui font trempette avec une escort qui se prend pour la Nana de Zola du XXI ème siècle. "
Dans ce livre il y a quelques bonnes idées, et un style indéniable, qu'on l'apprécie ou non, mais l'ensemble ressort malheureusement comme une version bêta de 400 pages d'un manifeste qui aurait été meilleur en en faisant 200.
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