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Critique de Luxi


Inutile de résumer l'histoire, la quatrième de couverture le fait très bien. Et puis j'aurais presque envie d'inviter les lecteurs à plonger dans ce roman sans trop en savoir. Parce que j'ai vraiment adoré ce livre. J'ai été frappée dès les premières pages par cette maîtrise ébouriffante de l'écriture ; l'auteur a la petite vingtaine mais il balance ses mots comme s'il avait 35 ans et qu'il avait déjà vécu plusieurs vies. C'est brut, c'est trash, c'est incisif, et c'est exceptionnel. Chaque phrase est chargée de cynisme – bouclier contre le désespoir ? – et ça balance, ça dénonce, avec une audace impitoyable et un culot absolument génial.
Dans ce roman écrit à l'acide, on attaque Internet et sa génération du « Big Brother » réciproque qui fonctionne sur le mode du « tout le monde m'espionne et j'espionne tout le monde. » Mais c'est surtout la guerre qui est accusée ici. Et qu'est-ce qu'elle prend dans la face, la guerre. Boris Bergmann nous questionne, nous bouscule, nous fait sortir de nos petits cocons : alors, dis-moi, c'est quoi la guerre pour toi ? Qu'est-ce que t'en penses ? Qu'est-ce que t'en comprends ? Il y a une véritable et puissante réflexion sur les drones, engins d'acier sans chair, machines de mort qui remplacent les hommes, qui tirent sur les hommes, qui tuent et sont tués à la place des soldats vivants. Mais c'est aussi un livre sur la science et sa toute-puissance aveugle qui pourrait mener à la dissolution de l'être humain, celui-là même qui l'a construit et qui lui a donné la vie. On rejoint ici l'un des thèmes les plus centraux de la Science-fiction : l'humanité annihilée par ses propres découvertes, créations, expérimentations.
J'ai d'autant plus aimé le livre lorsque débute le journal du narrateur. Se dégage au fil des pages une immense solitude que rien ne semble pouvoir consoler ni soigner, une sensation d'absurdité totale, de désordre incompréhensible dans un lieu où tout est pourtant réglé à la lettre, une incompréhension douloureuse de tout ce qui arrive alors qu'on est l'un des plus grands génies du hacking. Violemment mis à l'écart par les autres soldats qui ne le considèrent pas comme l'un des leurs, enserré par l'isolement, la peur et toutes ces choses qu'on lui cache, le narrateur n'a que les pages de son journal – seul objet non surveillé – qu'il noircit dans son coin pour avoir l'illusion de respirer encore, de comprendre des bouts de ce monde encore.
Même si c'est illusoire. Même s'il sait qu'il se ment.
C'est un texte plutôt court mais incroyablement dense où aucune phrase n'est de trop, où chaque mot est réfléchi, sculpté, et percute, cogne et gifle. L'écriture va droit au but et ne s'encombre pas de décorations. Elle est moderne, acérée, emportée mais aussi lasse, inquiète, désabusée. L'auteur a une réelle capacité à toucher vite et fort en jetant sur le papier le mot juste, le mot parfait. Quant à la fin, elle est tout simplement superbe : bouleversante, poétique, brûlante, apocalyptique.
C'est un livre terriblement actuel et percutant ; une vraie révélation pour moi. Et on ressort de cette lecture sonné, écoeuré et livide. Un roman que tout le monde devrait lire pour prendre conscience des dangers réels de l'évolution technologique lorsqu'elle est mal utilisée… Pour tenter de stopper l'Homme avant qu'il ne détruise l'Homme. Même si depuis longtemps déjà le mal a commencé.
Merci aux éditions Calmann-Lévy et à Boris Bergmann pour ce magnifique moment de poésie.
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