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Critique de Polars_urbains


Nous sommes en… ou peut-être même plus tôt. le marché et la finance règnent sur une planète dévastée et plastifiée. Cinq multinationales contrôlent les transports, la communication et les médias, la production agricole, les divertissements et les produits pharmaceutiques. Les Etats et leurs gouvernements sont pour la plupart dépassés et seuls les plus avancés technologiquement et financièrement ont pu résister. Les autres sont en faillite, leurs réserves mises au pillage et leurs populations réduites à des millions de zombies prêts à tout pour survivre. Les migrants affluent, venus d'on ne sait où et allant vers des horizons aussi incertains que mortifères. Classés parmi les « rebuts » au même titre que les vieux sans famille, les orphelins, les aliénés et les chômeurs, ils ne sont plus que des proies faciles destinées à servir de gladiateurs ou de cibles vivantes pour des jeux de télé-réalité poussés à l'extrême.

Régissant tout cela, la vice-présidente des « Cercles », s'appuie sur un système informatique d'autant plus performant et impénétrable qu'il fonctionne avec des millions de PC piratés servant de relais. Quelques séides l'entourent, le plus inquiétant étant une sorte de médecin que l'on croirait échappé des camps de la mort qui se livre à des expériences à grande échelle sur des virus très destructeurs. Mais dans ce monde de désespoir, quelques uns veillent. Héritiers des lanceurs d'alerte, les guetteurs traquent au péril de leur vie des informations qu'Antoine Dupin coordonne et diffuse grâce aux rares journaux qui survivent encore. D'autres n'ont pas non plus baissé les bras et l'aident de manière plus musclée, en particulier quelques agents des services français, en activité ou en retraite précoce, déjà rencontrés dans les deux volumes qui ont précédé Cerro Rico.

Qualifié de techno-thriller, le roman se rapproche plutôt de la science-fiction dure, qui préfigure le devenir de l'humanité d'une manière, sinon crédible, du moins plausible ou rationnellement acceptable. Nous ne sommes donc pas dans un univers post cataclysmique à la Mad Max mais dans ce que pourrait devenir le nôtre si un frein n'est pas mis aux dérives environnementales et industrielles que nous connaissons. Un monde dans lequel l'espèce humaine a proliféré au-delà de toute mesure et ne peut plus faire face à ses besoins alimentaires, surtout alors que la technologie a porté un coup fatal au monde du travail. Les Etats - du moins certains d'entre eux - n'étant plus capables d'assumer leurs responsabilités, ce sont les « cercles » qui ont pris leur contrôle en les compénétrant, aidés par une surveillance de tous les instants que permettent les technologies d'observation (ici omniprésentes aux dépens des réseaux sociaux) et l'abrutissement de masse favorisé par les chaines d'information en continu.

Deux mondes s'affrontent dans Cerro Rico, l'ancien, fondé selon la vice-présidente des Cercles sur une conception chrétienne selon laquelle l'individu prévaut (parabole de la brebis égarée, Mt 18,12-13) et le nouveau qu'elle défend, « celui de la rationalité pure, débarrassé de toute fantasmagorie sentimentale ». Chaque monde a ses champions mais il serait naïf de croire que cela se réduit à un combat des bons contre les méchants. Car si l'on a parfois reproché à la science-fiction de mettre au premier plan les détails scientifiques et techniques en négligeant la dimension humaine des personnages, le roman de Thierry Berlanda propose des femmes et des hommes complexes, bien cernés, certains attachants comme Justine Barcella ou Antoine Dupin, d'autres réduits au rôle de « crapules désespérées ».

Cerro Rico est un excellent roman, parfaitement composé - pas de grandes théories sur les dangers des dérives actuelles mais des informations venant par touches successives, précises et percutantes - et à l'écriture maîtrisée. le lecteur y trouvera de quoi se distraire mais surtout de réfléchir au devenir de nos sociétés.
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