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Critique de Lucilou


Comme tant d'autres avant moi et peut-être après moi, je suis à la fois agacée et fascinée par Jeanne d'Arc, par son destin hors du commun et par toutes les réponses qu'on n'aura jamais, enterrées sans doute avec les Valois de ce sanglant quinzième siècle.
Alors forcément,quand un romancier se met en tête de raconter Jeanne, j'hésite mais je suis tentée. Je lis et souvent je suis déçue par un gout de trop peu ou un gout de trop... (pénible moi?).
Et puis, j'ai découvert Michel Bernard et son écriture surtout, qui m'a conquise. Quand j'ai appris que l'un de ses livres était tout entier consacré à Jeanne d'Arc, je ne me suis pas posée de questions et bien m'en a pris.
Avec "Le Bon Coeur" et sa percutante phrase inaugurale, on entre de plain-pied dans l'histoire (et L Histoire). Nous sommes en 1429: la Guerre de Cent ans fait rage et le camp français, en butte aux attaques des anglais et aux trahisons des bourguignons, derrière son dauphin sans panache ni couronne, est exsangue. Une toute jeune fille, venue des confins du royaume, là-bas, à l'est, va pourtant tout faire changer, au moins pour un moment. Les voix qu'elle prétend entendre lui enjoignent de la part de Dieu (rien que ça!) d'aller libérer Orléans et de mener à Reims le "gentil dauphin" pour en faire un roi.
Cette fille, c'est Jeanne d'Arc et contre toute attente, elle parvient à convaincre le seigneur de Baudricourt et quelques hommes qui deviendront ses fidèles. La suite, on la connaît: Chinon, Reims, Orléans... La suite, ce sera pendant deux ans l'épopée guerrière de cette jeune fille que rien ne destinait à cette gloire d'or et d'encens, de sang aussi. Et à cette fin.
Rien de nouveau ou de révolutionnaire dans "Le Bon Coeur": la narration suit le cours des aventures de Jeanne et de ses compagnons avec une exactitude et une rigueur historiques extrêmement appréciables qui ne lui autorisent pas vraiment d'écarts et l'aspect romanesque de la geste de Jeanne tient plus dans les pensées et les sentiments prêtées aux personnages que dans l'intrigue. Il tient plus aussi dans l'écriture de Michel Bernard, et cette écriture est un vrai bonheur: sensible et surtout poétique sans jamais déborder dans le lyrisme, concise, fluide. Lumineuse et claire comme eau de source. Et évocatrice aussi. Il ne faut pas plus d'une phrase au romancier pour nous faire ressentir le poignant bonheur mêlé de tristesse des parents retrouvant leur fille devant une auberge rémoise par exemple... "Le Bon Coeur", c'est le genre de roman qu'on pourrait lire à voix haute pour le plaisir d'entendre son chant.
Certes, l'histoire racontée est connue mais on se laisse prendre sans résistance. Connaître l'intrigue d'avance procure même ce petit plaisir qui est de se demander comment l'auteur s'y prendra pour raconter ce qu'on sait déjà, quels chemins il choisira d'emprunter. Ceux de Michel Bernard font dans la beauté et dans la sobriété. Il nous fait pénétrer dans les pensées de quelques personnages, mais s'arrête toujours à l'orée de celles de Jeanne -ce qui est parfois frustrant, car on la sent toujours très lointaine même si on se prend à l'aimer dans "Le Bon Coeur", comme ses compagnons sans doute. C'est nouveau pour moi de la trouver attachante, cette pucelle!
Toutefois, l'icône lointaine cesse d'en être une et redevient ce qu'elle est à la fin du roman: une jeune fille de dix neuf ans, ce qui donne au personnage et au livre un regain de force et de beauté.
Jeanne n'est plus seulement une figure angélique, elle redevient femme, fille de chair, de sang et de peur aussi quand l'auteur ose lui faire admettre qu'elle aime cette vie batailleuse de femme soldat. Elle l'est encore plus à la fin quand elle pleure sur son abandon, sa mort prochaine et sa peur du bûcher est poignante, à vous briser le coeur. C'est dur, mais c'est beau et c'est rendre à la Jeanne d'Arc de la légende (dorée) sa dimension humaine, enfin.
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