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Critique de Darkcook


Cela faisait de nombreuses années que ce roman était sur ma liste de priorités... Un de mes directeurs de recherche, très porté sur les récits insulaires et les romans à portée philosophique, en avait parlé en cours et suscité mon intérêt... Huit ou neuf ans après, je suis déçu. Paul et Virginie est en effet promu comme un équivalent de Roméo et Juliette (rien de moins) et comme une oeuvre pré-romantique. Je veux bien croire ce dernier point quant à son influence ensuite, mais je n'ai pas l'impression de lire ni Shakespeare, ni Goethe, ni Victor Hugo. Cela reste quand même un roman du XVIIIe siècle très marqué par les modes de cette époque : Torrents de larmes, enchaînements de micro-épisodes et discussions métaphysiques, comme on trouverait chez Marivaux et Sade, mais transbahuté sous les tropiques! Marivaux et Sade m'ont chacun subjugué lorsque je les ai découverts, par l'écriture extraordinaire et le contenu. Je n'ai pas vraiment ressenti cela ici non plus, d'autant que Bernardin de Saint-Pierre, grand botaniste, s'attarde beaucoup trop sur les propriétés végétales de telle ou telle plante, et son récit, bien que court, rame...

Son propos est simple : L'Homme, coupé de ses semblables, redevient pur, comme il pouvait l'être dans ce cher paradis perdu d'avant la Chute. Grâce à la vie en autarcie, permise par l'île et l'absence (ou presque) de contact avec ses semblables, il vit et prospère épargné par les tentations, les veuleries, les vices, le mal, et surtout, en harmonie avec la nature. Les mères de Paul et de Virginie ont chacune été rejetées par leurs familles et ont atterri sur l'île de France (île Maurice). Cette seconde vie tropicale leur permet ainsi de goûter des plaisirs bien plus simples, au contact quotidien des merveilles de la Création, à l'abri des vicissitudes, des besoins matériels (ou du moins ils les contentent de leurs mains). Naissent Paul et Virginie dans cette culture, cet état d'esprit de virginité (le nom de Virginie est transparent) absolue, ce cocon où la civilisation et sa violence ne rentrent pas. Enfin... Il est tout de même intéressant de voir qu'ils créent leur cosmos refermé sur lui-même, avec la géographie précise de l'île, les noms qu'ils donnent aux lieux... Ils font société, même si celle-ci est enclavée et plus ou moins fermée de la nôtre. Il y a au moins quelques domestiques nègres pour satisfaire l'aristocrate que je voudrais être!

Paul et Virginie grandiront d'abord frère et soeur, puis comme futurs mariés devant assurer leur lignée et prospérité, toujours sur l'île au sein de la société qui leur est propre. le destin les rattrape malheureusement lorsque l'extérieur vient les contaminer, et plus précisément, de façon symbolique, la proposition d'une tante fortunée voulant éduquer et enrichir financièrement Virginie, ce qui doit ramener celle-ci à la France et donc la civilisation. La vie de Paul, Virginie et leurs mères demeure en effet trop précaire, absolument dépendante des bienfaits de la nature, et ne saurait refuser une telle opportunité d'aide. La tragédie se chargera alors du reste.

Un récit aussi prometteur pour l'asocial misanthrope notoire que je suis n'a pas trouvé tout l'écho émotionnel que j'en attendais... Reste quelques passages agréables et mémorables entre les jeunes futurs amoureux, le merveilleux de ce ménage à quatre dans une pastorale tropicale, ou la discussion entre Paul et le narrateur double de Bernardin de Saint-Pierre, qui lui permet d'expliquer ses vues sur la nature, l'humanité, et de chanter les vertus de la vie solitaire. Même si ce vieillard a un côté prétentieux assez désagréable, on retrouve l'esprit des Lumières et le talent pour la discussion philosophique... Bernardin était un ami de Rousseau, et cela se sent dans le contenu, moins dans le style, encore une fois, même si Jean-Jacques est a contrario souvent trop difficile d'accès.

Les années et les occupations me rendent de plus en plus difficile... Je trouve de moins en moins de nouveaux textes qui me subjuguent et j'enseigne toujours les mêmes qui m'ont transporté par le passé... Je vais explorer d'autres pistes...
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