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Critique de HordeDuContrevent


Un véritable coup de coeur pour ce petit roman choral de Violaine Bérot !! Merci à @Christophe_bj de m'avoir communiqué son enthousiasme !
L'histoire, le thème, l'écriture, tout m'a plu. Une écriture virtuose, et la fin du livre magistrale, quintessence du talent de l'auteure.

Une petite fille est retrouvée dans la grotte aux fées, inconnue de toute administration. Il semblerait qu'elle soit élevée par ce grand muet, ce garçon arriéré que tout le monde au village prénomme l'Ours tant il ressemble à cet animal. Aussi grand, aussi trapu, aussi sauvage, aussi solitaire que cet animal emblématique, ne sachant pas parler mais juste grogner. Un garçon très fort qui éprouve une peur viscérale des hommes mais qui possède un véritable don avec les bêtes, qui ressent tout comme les animaux. Sa mère Mariette et lui vivent à plusieurs kilomètres de Ourdouch, dans un coin reculé et difficile d'accès, isolés du village, sans téléphone.

L'amour de Mariette pour son fils est sublime : « Devant l'institutrice qui, je vous le répète, n'était pas une tendre, elle l'a embrassé, lui, son fils, notre idiot de l'école. Et elle ne l'a pas embrassé vite fait, sans y penser, par habitude, non, elle l'a embrassé avec une application et une lenteur incroyables. Ce baiser de mère, moi il m'a bouleversé. Vraiment. Un pareil amour entre une mère et son fils, je n'avais jamais vu ça. Je ne savais pas que c'était possible ». C'est cet amour qui la conduit à vivre de façon si isolée pour le protéger des autres, cet amour qui la pousse à déscolariser son enfant et à refuser l'enfermement qu'on lui propose. L'amour pur d'une mère pour cet enfant différent donc plus fragile. Un amour la tête haute, simple, viscéral.

Le roman donne la parole aux différentes personnes du village : institutrice, voisin, randonneur, facteur, joggeur, ancien camarade de classe, mais aussi Mariette. Chacune raconte sa vision des faits, sa perception de l'Ours, perçu tour à tour comme un handicapé mental, comme un fou dangereux, comme un être à la puissance terrifiante mais aussi à la douceur exceptionnelle, comme un être doué de dons incroyables avec les animaux, comme un autiste, comme un père normal. Qui est cette petite fille ? Est-ce que l'Ours l'a volée ? Est-ce son père ? N'est-ce pas le fruit d'un amour incestueux ? Les questions et les rumeurs vont bon train. Certaines personnes sont péremptoires et semblent détenir la vérité (notamment la maitresse qui m'a révoltée), d'autres doutent, certains sont touchants de sincérité et d'intelligence.
Le fait que cette petite fille ait été trouvée dans la grotte aux fées où manifestement elle a vécu plusieurs années, semble émouvoir les plus âgées qui tous connaissent la terrible légende : Si les enfants ne sont pas sages, les fées les enlèvent et les gardent avec elles dans leur grotte, et plus jamais les enfants ne peuvent redescendre au village. Et celui qui, par curiosité, s'aventure jusqu'à la grotte amène le malheur sur sa famille pour des générations. Les grands-mères disaient sans doute ça pour que les enfants ne s'amusent pas à essayer d'y aller voir cette grotte difficile d'accès. N'empêche, la petite a été retirée par les autorités et placée, l'Ours mis derrière les barreaux, les personnes interrogées. Pour les plus âgés un grand malheur va arriver…

J'ai aimé la voix poétique des fées entre chaque chapitre du livre, chapitre donnant à chaque fois la parole à un personnage, déposition faite aux forces de l'ordre. J'ai aimé comprendre petit à petit grâce à ces fées murmurantes la véritable légende de la grotte aux fées. J'ai aimé ces différents témoignages, dépositaires de points de vue si différents, parfois de bêtise crasse, mais aussi de bienveillance. J'ai été complètement secouée par le témoignage de la pharmacienne à la fin du livre. J'ai été bouleversée par la colère de Mariette, la colère d'une mère.

Nous réagissons comme des bêtes. Nous les « normaux anormalement normés ». Lorsque nous ne comprenons pas l'autre car cet autre est très différent de nous. Nous jacassons, nous croyons tout savoir, nous entretenons des rumeurs, nous maltraitons, nous n'écoutons rien…Qui est la véritable bête ? Ce livre est un magnifique et touchant plaidoyer pour les personnes différentes.

Laissons les fées conclure :

"Cela nous console
nous les fées
de savoir que certains
dans le monde d'en bas
certains normaux anormalement normés
des égarés
n'ont pas peur
aux égarés
font confiance certains".





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