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Critique de Lavieestunlongfleuvetranquille


Wendell Berry reste peu connu à ce-jour en France ou ses oeuvres sont à peine traduites. Et pourtant, sa renommée en a fait le conseiller privilégié de Barack OBAMA en son temps, et ses idées commencent doucement à être reprise, à l'instar de THOREAU.

Cet ouvrage concentre huit essais d'inégale valeur, et se veut représentatif de l'évolution de sa pensée entre 1968 et 2011.

Le plus intéressant, à mon point de vue, est celui de 1968 qui pose les fondements de son engagement envers une écologie raisonnée, limitée et fortement engagée.
Il prend conscience, à cette période et en pleine contestation de la guerre du Vietnam, qu'il doit cependant prendre ses distances avec une foule véhiculant les mêmes idées que lui, à cause d'un comportement inadéquat à sa façon de voir les choses. Avant d'être le promoteur d'une idée, il faut la mettre en pratique dans sa propre vie. Cette hiérarchie de l'engagement peut surprendre, mais elle est révélatrice du caractère et de la personnalité de Berry. En effet, il s'est installé sur quelques arpents de coteaux, de bois, de berges près de Port-Royal dans le Kentucky ou il s'occupe d'un petit verger, de vignes et d'arbustes fruitiers, d'un potager et d'un pâturage, afin d'y travailler pour accroître la fertilité, la profusion et la pertinence de ce petit coin de terre. Cette action individuelle lui donne la preuve que l'homme peut vivre en harmonie avec la nature, de manière intelligente.

Cette intelligence, il la conçoit comme une primauté de la conscience morale qui nous impose l'obligation d'avoir des limites (notamment dans nos certitudes). Il fustige les hommes politiques qui nous gouvernent et qui se targuent d'être les seuls à détenir la vérité. Dans cet esprit, il précise que le droit de l'homme en tant qu'être humain n'est pas le résultat d'une faveur obtenue par un quelconque gouvernement, il est naturel et inné. Un pas vers la désobéissance civile de Thoreau…

Il souligne encore notre croyance erronée en la possibilité fantasmatique d'une croissance illimitée, en relation avec notre consumérisme.

Son combat est celui de la lutte contre le rendement, imposé par un monde des affaires qui a reçu un blanc-seing inédit, une procuration implicite des hommes pour nous fournir, entre autres, la totalité de nos denrées alimentaires.

Il explique avec justesse que nous ne faisons aucun cas de la nature des terres que nous cultivons et que la solution est de renouer avec « la nature du lieu » comme critère, le seul qui puisse nous assurer une productivité écologique et non dictée par le rendement.

Son combat est juste. Il est parfois déroutant quand il prône une certaine forme de protectionnisme, en dénonçant les effets néfastes du rendement, encore lui, pour nourrir les peuples africains qui se sont tournés vers une économie plus lucrative liée à l'exportation, sur la base des travaux d'Albert Schweitzer il y a soixante-dix ans (essai de 2000), ou quand il justifie son action par des références religieuses. Mais il est américain, jusqu'au plus profond de son âme, et l'étendue de son combat est à l'image des vastes contrées de son pays, avec ses qualités mais également ses défauts.

Ce recueil paru aux éditions Acte Sud nous aide à connaître les pensées d'un éminent écologiste, et c'est remarquable en soi.
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