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Critique de Arakasi


Nous sommes en 1643 à Paris et, que ce soit dans les rues de la cité, dans les loges des théâtres ou dans les couloirs du palais royal, un seul nom court sur toutes les lèvres : celui de Louis II de Condé, le prince d'Enghien. Qui s'en étonnera ? du haut de ses vingt-deux ans, celui-ci vient de remporter une des plus grandes victoires de la Guerre de Trente Ans en bottant le train aux armées espagnoles lors de l'éblouissante bataille de Rocroi, prenant ainsi sa place de plein droit auprès des plus grands généraux de son époque. Aucune élégie, aucune hymne, aucun poème ne semble assez flatteur pour célébrer une si éclatante réussite, un si incroyable talent ! Mais chaque victoire se solde toujours par sa contrepartie et, pour prix de la sienne, le jeune prince se voit condamné à incarner totalement le héros qu'il est devenu aux yeux de la nation française.

A charge pour lui de renouveler son exploit encore et encore, de faire mieux, toujours mieux, encore plus grand, toujours plus grand… Et parce que Louis de Condé a réellement du génie, le voici enchainant victoire sur victoire, triomphe sur triomphe dans une envolée vertigineuse vers les hauteurs de la gloire et de la célébrité. Trop vertigineuse peut-être car qui pourrait attendre d'un jeune homme d'à peine vingt ans qu'il conserve la tête froide face à une telle avalanche de louanges et de lauriers ? Et celle de Condé s'échauffe, elle brûle, elle boue comme l'eau d'une marmite. Malheur à celui qui osera s'opposer aux ambitions et à la quête effrénée de l'exploit du nouvel Alexandre ! Fut-il lui-même prince de sang, premier ministre ou même roi de France…

Louis II de Condé, « le Grand Condé », voici un nom qui flattera agréablement l'oreille de tout amateur d'histoire guerrière par son héroïque consonance. Pourtant peu de personnages ont laissé et laisseront dans l'Histoire de France des échos aussi ambigus que ceux du prince de Condé, brillant stratège militaire assurément mais aussi rebelle impénitent et même traitre à sa nation puisque, si celui-ci commença la Guerre de Trente Ans dans le camp français, il la termina hélas… au service du roi d'Espagne ! C'est un petit péché de l'histoire militaire que de souvent présenter les choses en noir et blanc, et nombreux ont été les historiens qui ont peiné à concilier ces deux images, celle du grand héros et celle du grand traitre, sacrifiant bien trop souvent la seconde à la première. C'est donc tout à l'honneur de Simone Bertière – historienne spécialiste du XVIIe siècle à laquelle on doit déjà plusieurs passionnantes biographies, dont celle du cardinal Mazarin et du cardinal de Retz – que d'essayer dans son nouvel ouvrage, « Condé, le héros fourvoyé », de donner une image plus nuancée de cet énigmatique, irritant, mais pourtant si fascinant personnage.

Essai transformé ! Solidement documentée, écrite dans un style toujours aussi délicieusement fluide et reposant sur une analyse profonde et subtile des moeurs de l'époque, cette biographie est un modèle du genre. Bertière s'y révèle aussi bonne conteuse que psychologue et son ouvrage se lit avec autant de plaisir et d'enthousiasme qu'un trépidant roman de cape et d'épée. Dieu sait pourtant que je n'avais guère d'inclination pour « le Grand Condé » à la base (que voulez-vous ? Moi, les courageux guerriers prêts à sacrifier la paix d'une nation entière à leur propre gloire me donnent des boutons…), mais la dame a su éveiller et fouetter mon intérêt jusqu'aux dernières lignes de son livre et cela malgré une envie répétée de bourrer de coups de pied les fesses à ce grand enquiquineur de Condé. C'est qu'elle est presque parvenue à me le rendre sympathique, l'agaçant lascar ! Encore une fois, un excellent ouvrage de vulgarisation à conseiller à tous ceux qui souhaiteraient approfondir un peu leurs connaissances sur cette tumultueuse période, doublé d'une très pertinente étude sur le statut de héros dans notre société comme dans celle du « Grand Siècle ».

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