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Critique de Arakasi


Heureux qui a fait un beau voyage et, après bien des années d'errance, a retrouvé ses pénates bien-aimées… Ou pas ? A l'aube de la vieillesse et après avoir abandonné son trône à son fils Télémaque, Ulysse se morfond. Pénélope est morte, le temps a fui, les années ont passé. Comment se contenter de la vie paisible de monarque retraité quand on a connu le grand large, vu les plus beaux horizons, côtoyé les plus belles femmes ? Pour tromper son ennui, l'incorrigible bavard s'est trouvé un auditeur attentif dans la personne d'un jeune chevrier chargé de l'assister – un auditeur attentif mais aussi critique, car le garçon n'a pas sa langue dans sa poche et ne manque pas de souligner les invraisemblances et les ambiguïtés du récit du héros vieillissant. Jour après jour, semaine après semaine, Ulysse dévide le fil de ses souvenirs et le garçon de s'extasier : quelle fantastique histoire ! Quelle merveilleuse épopée ! Bien sûr, il faudrait l'enjoliver un peu, adoucir quelques traits, en exalter d'autres, mais un aède habile pourrait trouver là le plus fascinant des contes à raconter. Ainsi naissent donc les légendes, des souvenirs d'un vieil aventurier et de l'imagination exaltée d'un jeune pâtre…

Simone Bertière ne s'arrêtera-elle donc jamais ? A 91 ans, voici qu'elle abandonne (provisoirement, nous l'espérons) la biographie pour s'attaquer à son premier roman. le sujet abordé – la vie du fameux héros de l'Odyssée racontée par lui-même – peut paraître surprenant au premier abord pour cette spécialiste du Grand Siècle. Pourtant, on retrouve dans « le roman d'Ulysse » maintes thématiques chères à l'historienne, notamment touchant la notion d'héroïsme. Qu'est ce qui définit un héros ? Ulysse vieillissant s'inquiète de l'héritage mémoriel qu'il laissera : il n'a pas eu la « chance » de mourir comme Achille sur le champ de bataille et, loin de retourner chez lui en vainqueur triomphant, a dû rentrer dans son foyer sous les traits d'un mendiant abandonné de tous. Des victoires, il en a connu certes, mais par la grâce de sa ruse plus que de sa valeur guerrière, et chacune l'a laissé plus seul et démuni que la précédente. Il a survécu, voilà tout. Mais survivre, n'est-ce pas déjà un immense triomphe ?

De son propre aveu, Bertière tire son Ulysse vers ce qui lui plaît le plus dans la personnalité du héros de l'Odyssée : la curiosité intellectuelle, la vivacité d'esprit, l'audace tempérée de sens pratique, la faculté de sortir des sentiers battus, l'optimisme… Et l'humour, bien sûr, sans lequel les grands hommes ne seraient que des idiots pompeux ! Elle ne néglige pas ses vices pour autant et le montre occasionnellement vindicatif, orgueilleux, imprudent ou arrogant. Enfin, elle le restitue de toute son humanité, celle qui fait de lui le protagoniste le plus attachant de la mythologie grecque, à défaut du plus héroïque. Mais, franchement, qu'est-ce qu'on en a à fiche des héros ? Fait amusant, on retrouvera toutes ses qualités de filou sympathique chez le sujet biographique préféré de Bertière, à savoir ce brave Mazarin si écorné par ses contemporains.

A mi-chemin entre l'essai et le récit, « le roman d'Ulysse » ravira les adorateurs de l'Odyssée que Bertière éclaire d'une lumière originale et nuancée, sans jamais en trahir l'esprit. Il a également le mérite d'apporter une fin très satisfaisante aux aventures d'Ulysse, celle que je lui ai personnellement toujours souhaitée.

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