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Critique de Lenocherdeslivres


Quand l'immense majorité des hommes a péri suite à un virus particulièrement sélectif, les femmes ont tendance à surprotéger les survivants. En les enfermant dans des prisons dorées, par exemple. C'est ce qui arrive à Miles, jeune garçon d'une douzaine d'années, dont la famille se partage entre les États-Unis et l'Afrique du Sud. Mais ces pièces rares attirent également la convoitise de nombreuses personnes. Et Miles va être enlevé.

Mais le jeune garçon va être enlevé… par sa mère, convaincue de l'intérêt de cette évasion par sa propre soeur. En effet, Miles vient d'Afrique du Sud et Cole, sa mère, espère pouvoir vivre plus librement dans son pays qu'aux États-Unis d'Amérique, où ils vivent enfermés dans une prison, de luxe, certes, mais une prison tout de même. Pour le protéger de voleuses, violeuses, meurtrières. Car les hommes peuvent servir de vaches à sperme. Ou, pour les plus jeunes, d'enfants de substitution. Car, tant que le virus n'est pas éradiqué ou, pour le moins, contenu, il est interdit de faire de nouveaux enfants, interdit de tomber enceinte. D'où les trafics les plus vils, mais aussi les plus lucratifs.
En tout cas, Billie, soeur de Cole et nièce de Miles, a besoin d'argent et est prête à tout pour s'en procurer. Même à sacrifier, sinon la vie, du moins la liberté de son neveu. Elle prépare donc son enlèvement en compagnie de sa soeur. Mais au dernier moment, celle-ci comprend le sort réservé à son fils et assomme d'un violent coup de pied de biche sur le crâne sa soeur. Qu'elle pense avoir tué. Et c'est parti pour une longue course poursuite.

Le roman est un long voyage avec, en ligne de mire, un bateau qui pourrait mener mère et fils en Afrique du Sud, terre de liberté. Mais, évidemment, les obstacles sont nombreux et Billie, revenue d'entre les morts, tel un zombie acharné, ne va pas lâcher l'affaire. Ce voyage est l'occasion pour Lauren Beukes de dresser un portrait peu complaisant d'un pays en déliquescence, qui tente de remonter la pente, mais n'évite pas les travers qu'on lui connaissait avant. Bref, le monde de femmes qui est ici représenté est aussi pourri que le monde mixte précédent. Mêmes inégalités, mêmes égoïsmes, mêmes délires. Cela ne donne pas envie.
Mais surtout, c'est long (eh oui, encore cet adjectif) : j'ai eu bien du mal à me motiver arrivé vers la moitié du récit. Mais dès le début, le personnage de Billie m'a indisposé. le côté j'ai la tronche défoncée et la cervelle qui sort par le trou, mais je vais quand même continuer presque comme si de rien n'était (quelques hallucinations, de grosses douleurs, mais finalement, c'est guéri !), j'ai eu du mal à le supporter. Peut-être est-ce dû à des années de films emplis de bagarres toutes plus violentes et irréalistes les unes que les autres et à une certaine saturation ? Je ne sais pas. Mais cette Billie, avec sa façon de parler excessive, dans le choix des mots comme dans les sentiments (enfin, les sentiments : à part penser à elle, pas grand-chose), m'a agacé longtemps. Bon, à la fin, j'ai fini par en prendre mon parti, mais elle reste une cause de mon adhésion partielle à l'histoire.

Autre bémol, le rythme : on est lancé dans l'action dès le début. À nous de recoller les morceaux de l'histoire et de comprendre peu à peu qui est qui. Jusque là, pourquoi pas. Mais, est-ce encore à cause de Billie, la mayonnaise a eu du mal à prendre pour moi et j'ai eu du mal à m'intéresser à l'histoire de ce couple en fuite. Malgré l'intérêt de l'idée de base (la disparition de la majorité des hommes et leur nouveau rôle), je me suis ennuyé parfois, avec une impression de déjà vu : les méchants sont des méchantes, mais elles ressemblent à leurs homologues masculins ; la fuite à travers le pays et les chausse-trappe et autres rencontres sentent aussi le réchauffé, pour certaines.
Alors pour sortir du côté négatif, Lauren Beukes a eu de bonnes trouvailles. La communauté religieuse qui sert un moment de couverture aux fuyards est assez réussie, malgré des outrances. La communauté qui les accueille un soir m'a forcément fait penser à une lecture récente, Subtil béton, et m'a semblé plutôt bien vue. D'autres points de vue sur la nouvelle société, qui émaillent le roman, ne manquent pas de subtilité ou de truculence. Les questionnements de Miles, jeune garçon obligé de se déguiser en fille pour ne pas être capturé ou pire, possèdent une bonne couche de profondeur (même si parfois, j'ai eu envie de lui donner quelques claques… je sais, la violence, c'est mal). Ils permettent de s'interroger sur la place de chacun dans notre société. Et c'est toujours bienvenu.

Entre le thriller, le post-apocalyptique et le road movie, Afterland coche bien des cases, mais ne convainc vraiment dans aucune. Ce roman propose une vision caustique et noire d'un monde sans (plus beaucoup d') hommes, mais peine à trouver un ton qui entraîne son lecteur tout du long. Les personnages sont parfois trop caricaturaux pour réellement séduire. Heureusement, la fin, rapide, permet de quitter l'histoire de Miles sur une impression correcte. Qui me fait dire que je me laisserai sans doute tenter, malgré cette légère déception, par le prochain roman de Lauren Beukes.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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