En réalité, il n'existe pas de classement idéal. Quelle que soit la solution adoptée, elle présentera des inconvénients. On peut meme dire que chaque utilisateur, chaque fois qu'il ressent un besoin, appelle implicitement une classification chaque fois nouvelle.
Dotées d'une mission culturelle assez simple, qui consiste à proposer aux collectivités qu'elles desservent un choix de documents divers à consulter ou à emprunter, les bibliothèques se révèlent être des institutions plus complexes qui couvrent une variété importante de registres et d'attentes. Constituer une collection, pour commencer, c'est-à-dire sélectionner, ordonner et mettre en espace des supports d'information, est une opération qui joue un rôle considérable pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel. Les bibliothèques, de ce fait, occupent une place centrale dans la société en ce qui concerne le recueil et la diffusion de la mémoire collective, qu'il s'agisse de la mémoire locale, de la mémoire nationale ou de la mémoire universelle.
Le bibliothécaire doit donc s'informer, être attentif à la production et en particulier à la création contemporaine dans tous les domaines. A l'heure où les grands médias, la grande distribution et la publicité façonnent les goûts et la sensibilité, dans une société où la formation et l'information sont des besoins constants des individus et des citoyens, il a la responsabilité de sélectionner des titres et de constituer des collections qui échappent à la banalisation, favorisent la création, la réflexion et l'information libre. Pour cela, il lui faut choisir, justifier ses choix; il lui faut "désherber" pour éliminer les documents obsolètes ou non pertinents, mais aussi conserver la mémoire locale, le patrimoine, tout ce qui établit la richesse de la mémoire collective.
La mutation de la bibliothèque moderne, telle qu'observée dans les bibliothèques étrangères, ne va pas sans une complète remise en question de la profession et des conditions de son exercice.
A l'heure du numérique et du changement de civilisation qu'il inaugure en atténuant fortement la valeur symbolique de l'objet livre tout en démultipliant les possibilités offertes par ce support, la connaissance de l'histoire du livre et des bibliothèques permet de mieux distinguer dans le mouvement actuel l'essentiel de l'éphémère.
On peut lire beaucoup et ne jamais mettre les pieds dans une bibliothèque, c'est même un profil courant parmi certains gros lecteurs. On oublie trop souvent ainsi, notamment chez les professionnels de la culture, que l'évitement d'une institution chargée d'accueillir et de promouvoir des activités culturelles n'est pas nécessairement équivalent à l'évitement des pratiques elles-mêmes.