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Critique de ninachevalier



La beauté de ce recueil commence par la couverture signée Mélinda Fiant. L' illustration qui préfigure le texte d'ouverture, intitulé « La confiture des rois », fait saliver. Yves Bichet met en valeur un savoir faire d'antan :
celui des ouvrières de Bar-le-Duc, à la dextérité immémoriale pour délester les groseilles de leurs pépins, munies de rémiges d'oie pour obtenir
«  le caviar de Bar » !

Le texte 2 a été inspiré par une rencontre ( dans un train) de l'auteur avec un aveugle accompagné de son Labrador. Il restitue des bribes de leur conversation ainsi que ses hésitations pour choisir les sujets à aborder au colloque auquel il est invité. Il focalise notre attention sur les mains du non-voyant effleurant son arcade sourcilière: «  un geste simple et beau », puis sur les caresses qu'il prodigue à son chien. On est touché par la communion entre le chien et l'homme. «  Ces deux êtres vivaient l'un pour l'autre. » On perçoit «  le gémissement de plaisir » de la bête, qui pose délicatement le museau sur les genoux de son maître.

Le troisième texte Toucher l'écran s'avère une sorte de diatribe contre l'addiction aux écrans, aux portables, où ne s'inscrivent que des images et des sons. Yves Bichet invite à mieux utiliser notre odorat.
Ceux que les sonneries intempestives insupportent ne peuvent qu'approuver. D'ailleurs dans un de ses récits flotte une puissante fragrance de lavandin.

Dans l'une des nouvelles, Yves Bichet décline les multiples activités qu'il a exercées dont celle de maçon. Il met en lumière le geste de l'artisan.
Ses mains ont troqué la truelle pour le stylo et le clavier, titillé par le besoin d'écrire. Il compare les deux activités au niveau des mains.
L'artisan cherche le résultat, l'écrivain l'inspiration.
Ce qui rappelle le geste d'écrire dont parle Stéphane Mallarmé.
Mais il a aussi travaillé à la ferme et «  griffonné au tracteur des hectares de lavandin ». Il sait que reculer avec un chargement de lavande demande de la dextérité. Il autopsie le geste de manoeuvrer une remorque en marche arrière. «  Recul délicat », car « la remorque n'obéit pas aux intrus ».

Si l'andaineuse lui a causé des frayeurs, elle a aussi été un déclic
pour s'essayer à la poésie. Pour l'auteur, « la poésie pourrait ressembler à un geste, un premier mouvement du corps, une rencontre fortuite des mots qui célèbrent le quotidien, des mots capables de stopper notre fuite en avant ».

Qui n'a pas été ému devant un bébé qui «  frotte ses paupières avec ses poings » ?
Si la vie s'invite dans cette nouvelle, une suivante évoque les trépassés, la lecture de poésie au vieil homme défunt, et en particulier les derniers instants d'une mère.
Le narrateur partage « le cadeau rare, le privilège » d'avoir pu profiter du « restant de chaleur » en caressant son visage avant que le froid gagne, une scène qui prend à la gorge, avec une portée universelle.
Le narrateur sait transcender une nouvelle où la maladie a ruiné un couple par un moment d'illumination. Comment ne pas vibrer en imaginant cet enfant myopathe, la main levée, hypnotisé, tout extasié, devant l'apparition de la lune. «  La beauté du monde se concentre parfois dans de tels surgissements de lumière nacrée, il faut s'arrêter, se taire.. ». Car ce geste qui lui a coûté tant d'efforts, il n'a pas pu le refaire.

La vie est cocasse, lit-on dans une autre nouvelle.
C'est la blague de Mounir que l'auteur nous relate qui fait se bidonner ses acolytes, qui se «  fendent la poire ».

Impossible de commenter chacun des récits , mais Yves Bichet offre une succession de variations autour de la beauté du geste , de témoignages, en 22 textes de longueur inégale. Si on s'extasie sur les performances d'excellence d'un pianiste, d'un footballeur, l'auteur veut réparer l'injustice et célébrer les petits gestes du quotidien dont des gestes de tendresse, d'amour, de complicité. Pour cela, il nous convie à mieux observer ceux que l'on croise, à savoir lever les yeux.
L'écrivain, ancien maçon et agriculteur nous rappelle dans ce récit que, comme le disait Rimbaud, "La main à plume vaut la main à charrue". 






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