Ventres

j'ai
dans mon ventre
un monde
entier
d'être

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toi
depuis le tien
tu as
incomparablement
mis au monde
le nôtre

je m'en suis aperçue
non pas que je n'en connaissais pas l'existence
mes amies accouchaient
je serrais leurs enfants dans mes bras


j'étais dans une autre vie la mienne


j'ai compris
il y a quelques mois
à peine
je regardais obstinément le ventre des femmes
leurs centres


je voulais être enceinte moi aussi
sentir


et je voulais prendre mon enfant dans mes bras
le reste me semblait flou


l'on ne prévoit jamais la suite

lorsque tu t'es détaché.e
lorsque tu as été obligé.e de partir
de nous laisser
as-tu soupiré ?
maman papa pampa une pensée une seule

nous avons pleuré

il y a un mot : viabilité

nous t'aurions aimé.e

tu sais

lorsque tu t'es décollé.e
tu sais


je l'ai senti

j'ai souffert



je t'aimais

mes seins sont tendus et j'ai pris un bonnet
ils sont plus ronds plus fermes
mon ventre aussi est tendu
le bas tire

le médecin me félicite
de connaître aussi bien mon corps
je dois en être à deux semaines tout au plus
ce ne sera rien selon lui

le médecin me félicite
une nouvelle fois
je n'aurai pas d'opération

ce jour
allongée dans le lit
il est tôt
sept heures
le premier médicament ne fonctionne pas
pourtant les douleurs sont immenses
l'infirmière m'en donne un second

je saigne

sans enfants
on reste l'enfant

J'envie celles qui savent
qui assurent l'envie ou la non envie
qui semblent mesurer toute la teneur de leurs désirs
je me tiens à la lisière
là où deux paysages se rencontrent
se frôlent
se frottent l'un à l'autre
là où tout est encore possible