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Critique de oblo


oblo
20 décembre 2017
Livre reçu grâce à l'opération Masse Critique.

Les collections du musée de la Renaissance, à Ecouen, recèlent une importante collection d'orfèvrerie originaire des anciens Etats de l'Empire romain germanique (vaste espace recouvrant l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, la Flandre et quelques autres territoires d'Europe centrale). Désignées sous le vocable d'oeuvres allemandes, ces dernières ont fait l'objet d'un recensement et d'une présentation visant à les mettre, enfin, en valeur. En effet, la rivalité franco-allemande de la fin du 19ème siècle, accompagnée de la montée du fort ressentiment français à l'égard de nos voisins d'outre-Rhin, a contribué à plonger dans l'ombre ces pièces d'art, pourtant lumineuses à de nombreux égards.

Le livre présente d'abord un historique de cette collection du musée d'Ecouen, avant d'en proposer un catalogue où, à côté d'une photographie mettant en valeur l'objet, est écrit un texte le décrivant. Par ses dimensions et le soin apporté à sa confection, Chefs-d'oeuvre d'orfèvrerie allemande est un beau livre dont l'objectif, avoué dès la préface, est largement rempli.
L'orfèvrerie, nous apprend-on, a fort peu existé dans les musées français. A cela, plusieurs raisons : un nombre restreint d'oeuvres qui ont survécu aux siècles (parfois fondues, parfois perdues) et un net penchant pour ce que l'on appelle les Beaux-Arts. D'aucuns rangeraient l'orfèvrerie parmi l'artisanat (et même, heureusement, un artisanat d'art), eu égard à l'utilité première des objets présentés, utilité s'apparentant à de la vulgarité (au sens littéral : ce qui est prosaïque, terre à terre). Mais il suffit de regarder ces oeuvres pour constater que l'esthétique n'y est jamais oublié. Par ailleurs, l'utilité de ces objets n'empêche pas les programmes idéologiques d'y être affichés, répondant ainsi à la fonction symbolique de l'art.

Le livre tend donc à rendre à l'orfèvrerie - et plus encore, à l'orfèvrerie allemande, plus et mieux conservée que l'orfèvrerie française - la place qu'elle mérite. Dans cette optique, il faudra souligner le rôle essentiel qu'ont joué de grands collectionneurs privés, dont Mayer Carl de Rotschild, parfois à contre-courant de la mode de leur temps, dans la préservation de ces oeuvres d'art. Il s'agit aussi de rappeler des noms oubliés, ceux de grands artistes orfèvres géniaux, tel Wenzel Jamnitzer, auteur, entre autres, de la coupe de saint Michel, ou Hans Schlottheim, dont la nef dite de Charles Quint étonne par la profusion des détails et par la délicatesse de ses éléments. Ainsi l'orfèvrerie allemande retrouve-t-elle, dans ces pages, la place de choix qu'elle a occupé parmi les collections royales et princières en France, aux 16ème et 17ème siècle.

Les photographies rendent, quant à elle, un hommage direct aux oeuvres, dont certaines, plus encore que les autres, sont particulièrement marquantes. le nautile monté en coupe, par exemple, témoigne tout à la fois de la finesse du travail d'Ulrich Ment, orfèvre augsbourgeois du 17ème siècle, et de la diversité des matériaux utilisés : ici la coquille d'un mollusque est associée à de l'argent partiellement doré. Autre exemple : la coupe de maîtrise, en forme d'Ancolie, oeuvre d'un maître inconnu. Par sa blancheur, l'objet irradie ; par sa brillance, il impressionne ; par la scène de bataille qui s'y déroule, il témoigne d'un savoir-faire exceptionnel qui fait de cette coupe un objet à admirer, mais aussi à lire. Enfin, la statuette de Daphné, oeuvre de Jamnitzer, où l'argent et le corail dominent, rend compte de la prégnance des thèmes antiques dans l'Allemagne du 16ème siècle : Jamnitzer, ainsi faisant, se place comme l'égal des plus grands peintres ou sculpteurs de son temps : s'il en était besoin, la statuette prouve que l'orfèvrerie possède une place à part entière parmi les arts de la Renaissance, et au-delà.
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