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Critique de berni_29


La Lettre à Helga, roman de Bergsveinn Birgisson, est une lettre sous forme d'une confession amoureuse, d'un homme nonagénaire, au crépuscule de sa vie, Bjarni Gíslason, qui fut éleveur de moutons et de brebis et par ailleurs contrôleur des réserves de fourrage en Islande.
Cette lettre, il l'écrit et l'adresse à celle qu'il a toujours aimée, d'un amour incandescent et charnel, Helga.
Tout le récit est cette longue lettre à Helga, vers Helga, une sorte de chemin à reculons, pour revenir à elle, sur les terres sauvages et rudes de l'Islande. Par-delà le coeur qui l'a mis en lumière comme un chant, l'Islande est en effet l'écrin, le réceptacle de ce texte. C'est un voyage dans ce paysage sublime et sensuel, c'est un voyage qui ressemble à la silhouette fugitive, fuyante à jamais d'Helga.
Ils étaient voisins, chacun mariés. Elle à Hallgrímur, qui ne savait pas la rendre heureuse. Lui à Unnur qui ne pouvait pas avoir d'enfant.
Il a suffi d'un instant arraché à la dérive des continents, une grange, l'odeur des foins, la lumière d'une lucarne sur ses seins nus, sur ses courbes généreuses, sa peau blanche où frémissaient des vagues de désir.
« C'était comme toucher du doigt la vie elle-même. »
Et puis faire l'amour dans l'arôme du foin nouveau. Il y a dans ces pages incandescentes un érotisme bucolique, jubilatoire, qui dégringole à gorges déployées dans la lumière crue du jour, conviant la nature charnelle à cette célébration des corps et des sens. On se croirait dans un tableau de Renoir...
Plus tard, enceinte de lui, Helga lui demande alors de la suivre à Reikjavík.
Il n'a pas eu le courage de renoncer à lui-même, à la campagne, au travail de la terre. Il n'a pas eu le courage de quitter Unnur.
C'est l'amour éternel d'un homme blessé qui a lui-même renoncé à cet amour, alors qu'il se trouvait à la croisée des chemins.
Cette longue lettre, c'est le chemin qu'il n'a pas pris, devenant un animal blessé, perdu dans la débâcle des glaces.
Longtemps après, Helga continue de marcher nue dans son esprit.
Bjarni a quatre-vingt dix ans mais Helga continue d'être un brasier dans son coeur et sous sa peau désormais flétrie.
Que faut-il faire pour retrouver Helga ? Interroger la bergeronnette pour connaître l'avenir ?
Cette lettre, c'est aussi un hymne à l'Islande où les paysans savent déchiffrer les nuages, le vol des oiseaux, le comportement des chiens.
Éprouver l'angoisse du feuillage aux éclipses de lune.
Aimer le chuchotement d'un ruisseau, la compassion d'un phoque, l'intelligence du renard.
L'amitié des moutons.
Célébrer l'entraide, les gens qui veulent du bien aux autres...
Parfois, il y a aussi des moments pittoresques et savoureux, comme ce vieux paysan habitant un lieu retiré de l'Islande, venant de perdre sa femme, et qui crut bon de suspendre le corps de la défunte dans le fumoir comme un vulgaire jambon afin de mieux protéger son corps en attendant qu'on puisse venir chercher la depouille pour les obsèques...
Cette lettre est le brasier d'un volcan d'Islande qui ne s'est jamais éteint.
« ...et je compris que le mal, dans cette vie, ce n'était pas les échardes acérées qui vous piquent et vous blessent, mais le doux appel de l'amour auquel on a fait la sourde oreille. »
J'ai aimé brûler mes doigts à l'incandescence de cet amour...
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