Bjarni revient de la maison de retraite pour passer l'été chez lui et la fenêtre de sa chambre plonge sur la ferme où habitait autrefois ses amis Helga et son mari décédé d'un cancer l'hiver précédent. Sa femme est morte, il y a quelques mois aussi dans des conditions difficiles car sur les cinq années qu'a duré sa maladie, elle en a passé quatre et demie à vouloir mourir er à tourmenter Bjarni.
Il décide d'écrire une lettre à Helga, durant laquelle on en saura plus, sur toute son existence, la vie en Islande et ses difficultés au début du XXe siècle, ses relations avec Helga et son mari, avec Unmur et comment il exerçait son métier d'éleveurs de moutons à l'époque.
Ce que j'en pense :
C'est un joli roman, bien écrit, qui nous fait découvrir ce pays mystérieux qu'est l'Islande, les conditions de vie très dures, les méthodes d'élevage et de soins des bêtes qui laissent pantois les agriculteurs de notre époque alors que ces paysans étaient pleins de sagesse et de respect de la nature, cette nature sauvage qui nous aime si on la respecte.
L'auteure a choisi la lettre comme mode d'expression, ce qui permet de voir évoluer tant les conditions de vie que les personnages et surtout les sentiments.
Bjarni a 90 ans, il peut donc s'exprimer sans retenue ni censure car la mort est proche. Il peut parler de son amour pour cette femme qui a duré pendant toute sa vie d'adulte, qu'il a mis du temps à reconnaître, à admettre. Il lui a été difficile de choisir l'amour car il y a d'abord ses hésitations entre l'amour et le devoir (comment peut-il abandonner son épouse Unmur mutilée par une intervention chirurgicale qui la rend stérile à jamais et donc acariâtre, jalouse de Helga qui, elle, peut avoir des enfants.
Il y a aussi l'autre choix : partir avec Helga, c'est quitter sa ferme, dans la famille depuis des générations et perdre cette amour de la terre et des animaux, s'occuper de ses brebis, de son mâle vedette, de cette vie simple et écologique pour aller à Reykjavik, la capitale, pour un travail sans intérêt dans l'anonymat alors que chez lui, tout le monde se connaît, ce qui entretient les cancans, les railleries sur son adultère. Il aurait eu le sentiment de trahir ses ancêtres « quoi qu'il advint, je savait que mon âme était ici et que je ne l'emporterais pas à Reykjavik » P 78
C'était beaucoup plus compliqué à l'époque, il y avait les règles intransigeantes de la société, les tabous. Il n'a jamais pu faire le choix et a vécu une vie pleine mais en recherchant Helga toujours pour s'en éloigner dès qu'il pourrait s'en rapprocher et construire quelque chose avec elle.
Les expressions sur les relations amoureuses entre hommes et femmes, sont brutales, elles sont empreintes de bestialité, les mots sont très crus, ils parlent des femmes comme des brebis et de pisse très souvent car elle sert à tout : antiseptique, pour la qualité de la laine lors de la tonte, en gros ils se pissent dessus par amour.
Néanmoins il y a beaucoup de tendresse : Bjarni cherche les collines du paysage la forme des seins généreux d'Helga (« les mamelons d'Helga », lieu connu de lui-seul. Il nous fait voyager dans cette Islande qu'il aime profondément et cette nature qu'il respecte tant, ce que ne savent plus faire les paysans d'aujourd'hui, qui sont des propriétaires terriens, des céréaliers, etc. etc. alors que le terme paysan est si beau. (cf. le choix du bélier par les technocrates qui vont décider de favoriser un bélier absolument pas adapté au terrain irrégulier sans le moindre bon sens). Il s'occupe de beaucoup de chose : Société de lecture, coopérative… il réfléchit aussi sur Dieu, « j'ai compris que ce Dieu qui est aux cieux doit être en partie fabriqué par l'homme », l'idéal, le socialisme
Il raconte aussi dans sa lettre l'histoire de ce vieux couple sur une île, dont la femme décède et il faut aller la chercher en barque pour la mettre dans un cercueil et qui en fait passera l'hiver sur l'île à cause des éléments déchaînés. le vieil homme n'ayant d'autre solution que la fumer comme la viande pour respecter son corps dans la mort comme il l'a respecté tout au long de leur vie commune.
Cette Islande, il l'aime comme une femme et il nous transmet son histoire, sa nature sauvage, sa culture aussi en parsemant le texte de poèmes d'auteurs inconnus pour moi, de poèmes qu'il a écrit lui-même mais aussi que sa grand-mère récitait. Les descriptions sont très belles.
Bref une belle histoire et un beau voyage que je vous incite à tenter si vous ne l'avez pas déjà fait. Il a été qualifié de « bijou épistolaire » par un lecteur dans son blog et c'est mérité.
Note : 8,5/10
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