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Critique de fbalestas


A 40 ans, Yasmin retourne aux Antilles, son pays d’origine qu’elle a quitté très jeune pour le Canada, afin d’y disperser les cendres de sa mère.

Dans ce roman 3 récits s’entremêlent et se mêlent tour à tour : celui de Yasmin (le roman s’ouvre sur son arrivée aux Caraïbes chez Penny et Cyril, la sœur et le frère cadet de son père Vernon), celui de Shakti, sa mère, qui se raconte à une certaine Mrs Livingston, sa meilleure amie, et enfin celui du passé : celui de Yasmin et de Jim, son compagnon, et de leur union douloureuse.

Parlons des personnages : Shakti tout d’abord. Chaque jour elle se rend au chevet d’une amie, Mrs Livingston, plongée dans un coma donné pour irréversible, et en sirotant du thé, elle lui raconte sa vie étrange : un mariage arrangé avec un homme uniquement préoccupé de lui-même et de sa carrière politique, une échappée belle en Angleterre, dont elle reviendra anglophile tandis que son mari conservera une haine farouche à l’égard de l’île britannique, et enfin le départ précipité pour le Canada avec la petite Yasmin, après l’assassinat mystérieux de son mari. Shakti est une femme en apparence très convenable, mais qui révèle une profonde amoralité et dont il ne doit pas être facile d’être la fille.

Cyril, le frère cadet, personnage falot, ayant apparemment vécu dans l’ombre de son frère politicien, mais qui se révèle bien différent de l’image que tout le monde a de lui. Penny, la sœur ainée, avec son lot de secrets.
Veron Ramessar, le père très peu connu de Yasmin, le politicien qui a été assassiné sur l’île alors que Yasmin était toute petite, un politicien manipulateur qui voulait défendre la cause des indiens vivant sur l’île, mais sur qui plane des mystères que Yasmin va tenter de lever peu à peu.
Et puis Ash. Ash, comme cendres en anglais. Le neveu de Yasmin est un adolescent sans avenir sur cette île vouée à la pauvreté et à la corruption. Alors il s’éprend de violence, se livre à des cérémonies occultes, et rêve du grand soir où les enfants de l’Inde déferleront sur l’île pour prendre le pouvoir.

Yasmin, enfin. Un très beau personnage de jeune femme, à mi-chemin entre la maternité – elle a perdu l’enfant qu’elle avait eu avec Jim – et la filiation de parents qui ne lui ont pas facilité la construction d’une identité. Elle ne cède pas à la tentation de « chercher ses racines », ni de se laisser capturer par la famille de son père.
Mais c’est Amie, la bonne discrète, effacée, dévouée, qui va lui livrer les clefs pour accoucher d’une identité difficile.

Tous ces personnages forment une galerie de portraits émouvants et attachants, posant manifestement la question de l’identité individuelle et collective. « Pour moi il n’y a rien de plus fantastique que la vie humaine » dit Neil Bissondath dans une interview au Monde. « Nous sommes imprévisibles, contradictoires, et c’est là que je vois toute notre beauté. Et en effet, quand j’écris un roman, je deviens mon personnage ».


Multiples points de vue, multiples thématiques. On peut citer pêle-mêle la colonisation, les conflits raciaux, les racines, les relations filiales – officielles ou cachées - l’attirance pour la violence, la liberté d’être soi-même. Neil Bissondath traite des êtres voyageurs, de ceux qui vont et viennent sans attaches, et qui finissent par acquérir une identité qu’eux seuls peuvent s’attribuer.
« Je n’ai pas qu’une seule identité » dit Shakti à son amie dans le coma. Neil Bissondath ne la démentirait pas. Issu d’une famille de la migration, ses arrière-grands-parents étaient des ouvriers agricoles indiens venus de Trinidad couper la canne à sucre. Sans avenir sur cette île, Neil Bissondath part à 18 ans pour Toronto, marchant dans les traces de son oncle illustre, V.S. Naipaul, et devient écrivain.

D’une écriture très fine, avec beaucoup de pudeur, Neil Bissondath pose dans ses romans les bonnes questions, sans toutefois nous infliger ses réponses à lui. « Plus j’écris, plus je vieillis, plus j’ai l’impression que la réponse à la question « qui suis-je ? » devrait être : « Nous sommes ». Parce que l’identité individuelle est en fait multiple. » dit-il dans l’interview au Monde. Et si on lui a souvent reproché son refus des appartenances et son dédain des revendications ethniques, il répond qu’un citoyen d’aujourd’hui n’a d’autre patrie que celle qu’il s’est choisie. A l’heure du communautarisme ou des « minorités visibles » , une leçon à méditer.

Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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