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Critique de si-bemol


28 octobre 1980. le verdict de la Cour vient de tomber : pour Jefferson Petitbois, jeune black assassin de dix-sept ans, “suffisamment grand pour tuer donc assez vieux pour mourir”, ce sera la peine de mort… Et ce sera le début de l'attente, entre terreur, révolte et colère dans le couloir de la mort, avec dans la cour, de l'autre côté de sa cellule, la guillotine - Louisette - qui attend, patiente, et affûte sa lame.

L'attente sera en fait interminable : grâce présidentielle puis abolition, en 1981, de la peine de mort… sa peine est commuée en réclusion à perpétuité. Une perpétuité de jours et d'années, à l'isolement, sans avenir, sans projets, sans espoir. Que faire encore d'une vie qui n'a plus aucun sens, à tourner en rond dans sa cellule, dans ses souvenirs, son angoisse et ses regrets ? Dix-huit ans et une perpétuité de vide devant soi. Enfermé et absolument seul.

Christian Blanchard place le récit, à la première personne, dans la bouche de son héros qui raconte par bribes et sur plus de vingt ans son enfance à l'abandon, son parcours chaotique, ses blessures, sa dérive... jusqu'à sa rencontre, à quatorze ans, avec Max, mentor diabolique, gourou dément qui voit en lui l'Élu du chaos, un nouveau Messie de ténèbres et de sang. Sous l'influence conjuguée de Max et de sa drogue - l'Iboga - il commettra douze meurtres, aussi atroces que gratuits.

Avec "Iboga", Christian Blanchard ne nous propose pas un récit carcéral de plus parmi bien d'autres mais une immersion dans la psyché d'un individu placé dans des conditions extrêmes de solitude et de désespérance. le choix du point de vue narratif est habile puisqu'il provoque immédiatement et mécaniquement chez le lecteur une compréhension - voire une empathie - qui rend cette exploration en profondeur particulièrement sincère et poignante. Toutefois, en raison de la lucidité de son personnage sur lui-même (“je suis une erreur de la nature que la justice humaine va effacer”, dit-il), il évite par ailleurs l'écueil de la complaisance et de l'auto-justification chez cet homme qui n'éprouve aucun remords, le dit et ne se cherche pas d'excuses.

Venue à bout en quelques heures de ce roman très noir, terriblement oppressant et totalement addictif, je le referme avec un sentiment d'effroi et l'impression glaçante d'avoir fait un bout de chemin avec une âme perdue à qui a été refusé à jamais la moindre possibilité de rédemption, et qui, d'ailleurs, se la refuse à elle-même. Avec un questionnement, également, (mais qui n'est heureusement pas de ma compétence) sur la pertinence de substituer à la mort un enfermement à vie, à l'isolement, sans possibilité de réduction de peine : “J'aurais préféré passer sous le couperet de la guillotine. La douleur aurait été plus douce. En une fraction de seconde je serais passé de la lumière aux ténèbres sans en avoir conscience. Bien sûr, il y avait la souffrance de l'attente et la peur des derniers instants. Les tourments que j'endure depuis sont pires parce qu'ils ne s'arrêtent jamais. Ils continueront jusqu'à ma mort.” Bienvenue en enfer !

Un roman coup de poing, particulièrement sombre et d'une rare violence psychologique, d'un auteur que je ne connaissais pas, assurément à suivre.

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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