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Critique de moustafette


Bastien, vieux gardien lyonnais à la retraite, pratiquant le tai-chi, féru de langues orientales, de mandalas et de bouddhisme tibétain, vit dans le même immeuble que Rose, mère d'un petit Paul et historienne passionnée par Alexandra David-Néel. Ces deux-là étaient forcément faits pour s'entendre et se retrouver à fouler ensemble le sol de Lhassa. Cette aventure nous est contée via Paul, devenu adulte et écrivain, qui envoie à sa mère les épreuves de son roman qu'elle commente, rectifie et enrichie, se remémorant cette année 1986 et son escapade tibétaine improvisée en compagnie de Bastien, dont le passé trouble va peut-être se révéler au pied du Potala.

"Si vous vous intéressez un peu au Tibet, vous savez que les coïncidences n'existent pas, il n'y a que des rencontres nécessaires."

De part son format court, à peine 150 pages, ce texte est plus proche de la fable que du roman. J'avoue que plusieurs centaines de pages supplémentaires, dans la même veine que L'île du Point Némo, n'auraient pas été pour me déplaire et je me serais volontiers laissée embarquer pour un roman d'aventure délirant auquel, à mon humble avis, le Tibet se prêtait bien. Mais tel n'était pas le propos de l'auteur. En place de quoi, ce texte a pour ambition de nous donner à réfléchir à la fabrication et la place de la fiction dans notre vie mais aussi dans L Histoire. Car c'est autour des supposées Brigades tibétaines du IIIe Reich que tourne le mystère de Bastien.

L'auteur s'y entend à merveille pour démonter, références historiques et littéraires à l'appui, la construction d'un mysticisme nazi s'enracinant dans les sociétés secrètes qui fleurissent dès le XVIIe siècle jusqu'à une littérature ésotérique, en pleine essor au début du XXe, qui prône déjà l'existence d'un surhomme germanique. Littérature fallacieuse et sans aucun fondement historique mais qui fascinera Himmler. On connait la suite. Et on pense, hélas, que ce ramassis d'élucubrations alimente encore de nos jours certains groupuscules, aussi primaires que dangereux, ou le discours de personnalités plus en vue, qui croient encore à la véracité des Protocoles de Sion, pour ne citer que cette référence. Donc, exit les Brigades tibétaines, même si une expédition scientifique allemande a bien eu lieu dans les années 30.

Ce livre évoque en arrière-fond la présence chinoise et sa politique de tabula rasa. Ici, l'extrait évoque un des plus anciens sanctuaires détruit en 1959, L'Ecole de médecine sur Chakpori - la colline de fer - (une des collines sacrées du Tibet central), et depuis remplacé par une antenne-relais :

"Vingt-sept ans après la destruction du temple, les Tibétains s'y pressaient toujours par milliers ; sans rien changer à leurs habitudes, ils suspendaient leurs prières aux montants du pylône, brûlaient leurs bâtonnets d'encens, se prosternaient devant lui avec une dévotion intacte. le temple de la médecine n'avait pas été rasé, il était seulement devenu invisible, immatériel."

Un petit livre qui se lit très vite. Une sympathique digression sur le mensonge et la fiction et qui nous rappelle que, s'il ne faut pas croire tout ce qu'on nous raconte ni tout ce qu'on lit, leurs pouvoirs, s'ils se révèlent parfois néfastes, peuvent aussi aider... Et en prime, un aperçu du Tibet d'où l'auteur a rapporté quelques instantanés alors qu'il enseignait en Chine dans les années 80.


Lien : http://moustafette.canalblog..
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