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Critique de Bigmammy


Paul von Beckendorff von Hindenburg (1847-1934), président de la République de Weimar pendant dix ans, porte la responsabilité d'avoir appelé Hitler au pouvoir.

Élevé dans le culte de la grandeur et de la toute-puissance de l'Allemagne, pur produit de la caste des Junkers, les grands propriétaires terriens de la Prusse, farouchement protestant et méprisant les catholiques et les Autrichiens après leur défaite de Sadowa en 1866, il est divinement tiré de sa retraite au déclenchement de la Grande guerre et entre dans l'histoire à l'âge de 67 ans.

Dès août 1914, Il a la chance de s'approprier la victoire de Tannenberg contre les Russes, dont les plans ont été conçus par son adjoint Luddendorf et il devient le héros national qui a effacé le désastre de 1410 devant les Chevaliers teutoniques. Devenu généralissime de l'armée allemande en 1916, il se brouillera avec la plupart des autres chefs militaires et commet deux erreurs majeures : il impose la guerre sous-marine à outrance et refuse toute paix de compromis.

Devenu après la guerre le héros de la Droite, il est le chantre de la fiction du « coup de poignard dans le dos » qui exonère l'armée de la défaite. Hindenburg a ensuite constamment abusé de son image - comparée à celle de Bismarck - pour exercer le commandement suprême et surtout s'immiscer dans les affaires politiques, quitte à desservir les institutions et les personnes qu'il révérait pourtant le plus, rompant avec ses amis les plus proches et plaçant l'empereur Guillaume dans des impasses et le poussant à l'exil.

Sollicité pour se présenter à l'élection présidentielle désormais élue au suffrage universel, il est élu en 1925, pressentant que le président est le maillon fort du système institutionnel, une sorte d' "Ersatzkaiser", avec pouvoir de nommer le chancelier et de dissoudre le parlement et, en cas de circonstances exceptionnelles, de suspendre les libertés individuelles et de légiférer par ordonnances. Il ne va pas s'en priver.

L'ouvrage de Jean-Paul Bled (né en 1942 et fils du célèbre couple qui nous a à tous enseigné l'orthographe), éminent spécialiste de l'histoire de l'Allemagne et de l'Europe centrale, se lit à plusieurs niveaux.

Il permet de comprendre l'Allemagne contemporaine et son système politique, le fonctionnement du Parlement élu selon le scrutin proportionnel qui nécessite des coalitions par nature précaires.

A l'époque des lendemains d'un conflit mondial perdu et de phénomènes révolutionnaires très graves, comment la République de Weimar, face à la crise économique venue des Etats-Unis et à la question des réparations imposées par le traité de Versailles s'est trouvée dans une impasse, le systématique grignotement des électeurs de droite par les nazis à la faveur de dissolutions successives du parlement et d'élections anticipées à la recherche d'une majorité introuvable, et enfin comment Hitler, fin tacticien, s'est emparé de tous les pouvoirs dès les premiers mois de sa nomination, par Hindenburg, au poste de Chancelier en janvier 1933.

Trois chiffres : en 1928, le NSDAP recueille 2,6% des voix, en 1930, 18,3%, en 1934 à la mort de Hindenburg, la réforme visant à fusionner les deux têtes de l'exécutif au profit d'Hitler est approuvée par référendum à 90%.

Une biographie qui se dévore comme un thriller et constitue avant tout une magistrale leçon de science politique … où l'on apprend tout ce qu'il ne faut surtout pas faire !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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