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Critique de ODP31


Un petit dernier pour la soif !
Quentin et Suzanne tiennent l'hôtel Stella à Tigreville, trou normand, surtout hors saison, quand même les algues vertes fuient la solitude et partent polluées des plages moins austères. Quentin vit dans la nostalgie de l'alcool de riz et de son expérience de soldat en Chine. Il pourrait boire pour oublier ou pour chasser l'ennui mais il est à l'eau depuis dix ans et sa promesse d'arrêter de taquiner la bouteille si son hôtel, sa Suzanne et sa pomme survivaient au débarquement. Chose promise, chose bue, aurait pu écrire Audiard qui dialogua le film.
La monotonie des lieux est troublée par l'arrivée à l'hôtel, d'un parisien, Gabriel, qui lui, enchaîne les cuites mémorables dans le bar du coin, tenu par l'ennemi intime de Quentin. le vieux couple se prend d'affectation pour le jeune homme. Ce dernier, quitté par sa compagne Claire, prénom incompatible pour un alcoolique, est venu sur place pour observer discrètement sa fille Marie, placée dans le pensionnat du bourg.
Au contact du jeune soiffard, les papilles de Quentin vont céder à la tentation de l'ivresse et va s'ensuivre une mémorable bamboche immortalisée par Gabin et Belmondo dans le film de Verneuil.
Avant même sa publication, le ministère de la santé avait voulu censurer le bouquin pour son apologie de la boisson en 1959. Comme quoi, le bon vieux temps n'était pas cirrhose… Une première bonne raison de le lire, un verre à portée de main pour tchiner à la mauvaise santé de tous ceux qui veulent interdire tous les plaisirs.
Ensuite, il y a ce titre génial, qui sonne comme le nom d'un cocktail qui serait une sorte d'anti-Spritz, interdit aux mondains qui trouvent que l'orange s'accorde vachement bien avec leur chemise en lin et leur bronzage. Chez Blondin, on boit au zinc, celui qui colle au coude, on fait dans le monologue flamboyant des solitudes bourrues, on inonde le monde d'ivresses désespérées.
En fait, le titre fait référence à une pratique chinoise qui consiste à ramener des petits singes perdus dans les villes dans la jungle pour qu'ils ne meurent pas de froid durant l'hiver. Les chinois pensent que les singes ont une âme. Indochine en a fait une chanson... assez éloignée du ton du roman.
Blondin avait la passion de l'alcool. Chacun ses hobbies mais pour moi, il y a bien pire comme dada à condition de ne pas avoir le vin trop triste : collectionneur de boules à neige, suivre le tour de France en camping-car, être fan de country, passer ses samedis chez Ikea… J'en passe et des pires.
Je serai bien à jeun d'émettre une réserve sur le style à la hussarde de ce chroniqueur sportif dont la verve relevait du meilleur cépage. Une plume trempée dans le calva pour soigner la gueule de bois. A chaque page, une ou plusieurs citations qui sonnent comme des brèves de comptoirs, des sentences d'ivrognes, un peu d'argot fait maison. Autant d'enluminures fleuries pour masquer la fragilité des personnages et leur timidité dans l'expression des sentiments.
Le roman rata de peu le Goncourt. Les jurés n'avaient surement pas attendus le digeo pour voter. Pour Blondin, l'apéro, c'était "les verres de contact". Bien vu. Il obtint quand même l'Interallié. Il put singer le succès avant l'hiver.
Un petit dernier pour la route. Revoir le film pour la séquence de la Corrida… « Hola Carabineros ! ».
A la vôtre.
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