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Critique de fanfanouche24


-" Je me suis déjà reconstruit
ils m'ont tout pris, ils m'ont fait souffrir, ils m'ont battu
ils ont voulu me tuer
ils m'ont privé de tout
pas seulement de nourriture et d'eau
pas seulement de mes parents
et de mes frères
(...)
et ils m'ont fait devenir ce que je suis
ce sont eux qui m'ont reconstruit (p. 127)"

Une belle rencontre dans ma librairie "Caractères" [Issy-Les-M], avec une connaissance rencontrée au fil de mon travail, grande lectrice, avec qui j'ai plaisir à discuter, régulièrement. Cette fois, je lui ai parlé de mon dernier coup de coeur pour l' ouvrage d'Hisham Matar "Le pays qui les sépare" [Gallimard], qu'elle a acquis , et de son côté, elle m'a parlé avec grande émotion d'une de ses dernières lectures:
un auteur dont je connais le nom sans jamais n'avoir rien lu de lui: Alain Blottière. j'ai donc choisi "Comment Baptiste est mort" , avec un sujet d'actualité des plus brûlants.J'ai ainsi appris qu'Alain Blottière a souvent
traité de l'adolescence et de ses tourments, errements....

La forme de ce roman est originale ,en offrant une alternance de questions-réponses à notre "anti-héros", Baptiste, lors de son débriefing, après plusieurs semaines de captivité dans le désert, enlevé par un groupe de
djihadistes, et le récit plus distancié nous narrant à la troisième personne, le vécu de la captivité de Baptiste- renommé par ses kidnappeurs, Yumaï [ nom d'un renard du désert)

Un roman troublant qui rappelle le fameux syndrome de Stockholm,qui provoque des sentiments ambigus chez les ex- otages envers leurs persécuteurs... Baptiste-Yumaï a souffert atrocement, et en même temps, il dit aussi qu'Amir, le chef qui l'a enlevé lui a appris aussi des nouvelles choses...dont l'expérience nécessaire de la solitude absolue (en le laissant tout seul dans une grotte éloignée, où il va découvrir des traces humaines
de dessins et peintures d'humains, qui vont le fasciner et l'aider à tenir le coup),pour l'endurcir et en faire un guerrier, etc.

Au fil de ce temps de captivité, il y a eu les mauvais traitements, les coups, les insultes, les menaces de morts, pour lui, ses parents, et ses deux frères..la prise de drogue, les fameux "cachets du courage"...la faim, la
soif... Un ensemble qui a provoqué chez Baptiste-Yumaï des trous noirs gigantesques...

au fil des échanges et questionnements avec la personne qui doit l'aider à évacuer "l'horreur" , et le lavage de cerveau subi, il va retrouver des bribes des horreurs subies et des actions qu'on l'a obligé à exécuter, dans un état second...

"-Ne dis pas ça
si tu sens de la cruauté en toi
non pas la petite cruauté que nous avons tous, mais celle qui pourrait amener à faire souffrir sans
autre raison que le regard de sa victime
à tuer par plaisir
si tu sens cette chose en toi, c'est parce que ces monstres l'ont fait entrer en toi

cette chose peut partir comme elle est venue, ce n'est pas une maladie incurable (...)

tu as beaucoup souffert avec eux
les bourreaux , ce sont eux (p. 195)"

Un roman tout à fait bouleversant, écrit avec beaucoup de justesse , d'économie d'émotions [ce qui nous percute de plein fouet, d'autant plus...]; une forme de narration fort originale... et très resserrée, compacte...



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