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Critique de Luxi


Luxi
24 décembre 2017
Poème pour Thomas Elek

Inspirer expirer inspirer expirer
21 février 1944
le ciel a détourné son visage de tulle noir en se mordant les lèvres
sous les mains des musiciens les violons ont éclaté
un oiseau a pleuré

est-ce que le monde est monde encore lorsqu'un enfant est fusillé ?

août 2016
tu t'es fracassé contre moi
tu as tout envahi tout retourné tout saccagé
le grand frère qui me manque et que j'aurais tant admiré
je l'ai trouvé je l'ai chéri je l'ai estimé j'ai tremblé pour lui
mais à peine ai-je eu le temps de l'aimer que déjà on me l'arrachait

21 février 1944
le / monde / est / devenu / fou

pourquoi n'es-tu pas resté bien au chaud chez toi ?
pourquoi a-t-il fallu que tu les défies et les railles ?
héros tu l'étais déjà par tes croyances tes refus tes valeurs ton intégrité
j'imagine ta silhouette grave et majestueuse dans l'aube améthyste
ton air désabusé et conquérant
tes yeux trop purs dans ton regard trop vieux
mais qu'est-ce que tu foutais là-bas tommy ?

21 février 1944
dix-neuf ans est-ce légal ?

mille cloches carillonnent dans ma tête en un requiem démentiel
ton exécution est une fissure dans la chair du monde
elle n'a ni logique ni tombeau
as-tu au moins connu l'amour ?
as-tu au moins connu la joie ?
comment peut-on te consoler ?
mais as-tu encore besoin d'être consolé puisque ton corps a pris la forme raffinée des arcs-en-ciel
puisque tes yeux ont pris la substance laiteuse des étoiles cuivrées
je te vois là-haut chanter et rire et courir sur la peau des nuages
j'entends tes rires perler contre la lune inconsolée
j'aimerais être un oiseau pour m'élever jusqu'à toi et frôler tes cils du bout de mes ailes
j'aimerais être l'Espace pour t'étreindre de mille paillettes
mais je ne suis que moi avec un violon dans les doigts pour auréoler ton sommeil d'un rideau de dentelle
entends-tu ma musique ?
est-elle suffisamment vaporeuse et gracile pour se hisser jusqu'à ton nouveau domaine et s'enrouler autour de tes boucles blondes ?

libre
dis-moi que tu es libre et intact
délivré de ton corps souffrant
dis-moi que tu ne manques de rien
dis-moi que PLUS PERSONNE NE TE FAIT MAL
dis-moi que la douleur blanchit

j'entends ta voix dans un endroit de mon corps qui n'existe pas
je sens sur moi le poids lourd de tes yeux lavande
laisse-moi imaginer qu'ils sont lavande
laisse-moi te recréer
laisse-moi imaginer que tu te tiens près de moi pendant que j'écris et que tu souris dans le vide
je tourne la tête et tu es là
digne et magnifique dans ton beau manteau marine
j'aperçois la fenêtre de ma chambre à travers ton corps de satin

est-ce possible que tu sois vraiment mort ?

ton regard scintille comme s'il était brodé de mille perles de pyrite
tu flamboies comme une symphonie encore incomposée
tu poétises ma vie éteinte et ordinaire
tu la rends plus profonde moins creuse et moins déserte
puisqu'à présent je connais un garçon qui s'appelait Tommy et qu'il respire à travers mon propre pouls
mais tu es tellement immense et je suis tellement
petite

tu as surgi comme une gifle pour mieux t'évaporer
ton fantôme cristallin glisse sur les marches de ma peine
si gracieux si digne si grandiose et si jeune
chez toi le claquement des bottes SS résonnaient sur les pavés
chez moi des bombes humaines tentent de s'approprier le jour
le monde a-t-il vraiment changé ?
qu'aurais-tu dit qu'aurais-tu fait
je respire à l'envers
je n'entends pas les lendemains qui chantent
mon violon est en pleurs et un kaddish de topaze se pose sur mes notes

poursuis-moi peuple-moi protège-moi brille-moi élève-moi
apprends-moi le courage apprends-moi la droiture
aide-moi à ne jamais désespérer même lorsque l'horizon renonce

tommy c'est à cause de toi que je pleure
tommy j'ai peur du monde j'ai peur des hommes
tommy je n'entends pas tes lendemains qui chantent

est-il possible de te démourir ?
est-il possible de te démourir

TOMMY

une journée une heure une pulsation au poignet du monde
les anges ont de la chance
j'imagine ta tête posée sur les genoux des nuages
dis-moi que tu es bien
dis-moi qu'ils ne t'ont pas brisé
dis-moi que tu es
libre
libre
LIBRE

Tommy

le la s'éparpille comme une gemme sur la corde de mi
dernière note pour le prince moderne qui a troublé ma vie
quel honneur mon archet glissant sur les cordes de ta beauté
quelle pureté ton nom inscrit sur les paupières de l'éternité

Envoyé à Alain Blottière, le 09/08/2016, en remerciement pour son merveilleux roman.
Lien : https://lechemindeslivres.wo..
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