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Critique de IsabelleAuquier


Je ne saurais dire si j'ai aimé « La plus que vive ». L'irruption de la mort, dans la chair et dans les mots, dès l'ouverture, a jeté sur cette lecture une ombre violente à ce moment de ma vie où je suis sans doute trop fragile pour accueillir avec une distance nécessaire l'annonce d'une disparition, fût-ce-t-elle celle d'une inconnue ou d'un personnage de papier.
Pourtant, si Christian Bobin explore l'absence, les creux, le manque de la femme aimée, il nous parle avant tout de sa présence vive, dans les silences sonores, les rires muets qui sont au-delà du souvenir, dans la survivance de son empreinte, dans la réviviscence de sa présence.
Mais Bobin nous parle avant tout d'amour, de celui, si puissant, qui continue à s'exprimer dans cette béance, celui qui transgresse les mots convenus : « On n'a pas toujours besoin des mots de l'amour pour parler de l'amour », celui qui n'a pas besoin « de traces, de preuves, de signes », qui existe hors de toute appartenance, dans sa « liberté radieuse ».
L'auteur raconte des moments désordonnés, des bribes de vie où cet amour informel a pris toute la place, sans jamais étouffer la vie même. Un amour désarmé, devant lequel « nous sommes tous des enfants », comme devant la neige.
Bobin interroge aussi la vérité de l'amour, son essence, son absolu, questionne le lien du coeur et celui du mariage (« Qu'y a-t-il dans le coeur d'une mariée ? ») et trouve une ébauche de réponse dans une célèbre chanson de Piaf : « Non, rien de rien, non, je ne regrette rien, car ma vie, car mes joies, aujourd'hui, ça commence avec toi. »
Il y a beaucoup de d'éclats de rire et de joies simples dans ce livre qui est un hommage, une promesse aussi. En écrivant ces mots, Bobin offre à son amour l'éternité, il le conjugue au présent, « au plus-que parfait du présent », il nous livre ses contours ténus et son sillage pourtant si profond.
La mort même finit par nourrir cet amour, à le faire perdurer, comme dans le requiem de Fauré où « la mort n'y parle que de la vie ».
Au centre de son écriture, au milieu des mots qui se cherchent, Bobin parvient à dire Ghislaine (oui, vraiment, ce prénom est affreux), comment cet amour résonne en lui : « tu es celle qui m'empêche de me suffire ». Et, fort de cette illumination, l'auteur peut alors accueillir le manque comme le plus précieux des cadeaux :
« Tu étais celle-là, Ghislaine, tu l'es encore aujourd'hui, celle par qui le manque, la faille, la déchirure entrent en moi pour ma plus grande joie. C'est le trésor que tu me laisses : manque, faille, déchirure et joie. Un tel trésor est inépuisable. Il devrait me suffire pour aller de « maintenant » en « maintenant » jusqu'à l'heure de ma mort. »
Je ne sais pas si j'ai aimé ce livre, mais je me suis surprise, au fil de ma lecture, à surligner des phrases, comme autant de petits mantras qu'on emporte avec soi.

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