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Critique de Franz


Noir, double zéro, impasse.
Fidèle au poste, dans son dernier carré, face au cimetière depuis l'estaminet, Baudouin de Bodinat observe les détraqués "aux manettes de la Terre" et les ratés climatiques dans une relation de cause à effet, des "hommes d'âge et rassis... conservateurs pincés ou optimistes transhumains" stupéfaits d'être souffletés par une militante suédoise jeunette "une petite sotte prêchi-prêcha". Puis survient la stupéfaction liée au confinement alors qu'il y a peu encore : "ils se grisaient au guidon de leur trottinette, se faisaient livrer le dîner pour manger devant l'écran, s'échangeaient sur l'optiphone des autosatisfactions..." La machine extractiviste enfin à l'arrêt, le smog se diluait, la nature retrouvait du souffle mais sans perdre davantage de temps, la grande excavatrice reprenait du service, y mettant les bouchées doubles. Bodinat met ensuite en parallèle la réforme des retraites dans le leurre de l'horizon 2040 avec la fin très prévisible du monde d'avant pour demain. Personne ne peut désirer la destruction de la nature et l'effondrement de la civilisation : "pas même le survivaliste en permaculture avec ses poules, son AR-15 et un an de papier hygiénique d'avance". Pourtant le confinement a transformé les usages et les regards. le temps de l'innocence est révolu alors que s'amorcent la pompe à shadock et la fin des temps. Les mots choisis par Baudouin de Bodinat délivrent leur charge déflagrante au coin de la phrase qui cingle au rythme maîtrisé d'une pensée circonscrivant l'apocalypse. Valse des mots, ébriété du lecteur, sourire idiot, rondeur des phrases en bouche, fruité du propos, arrière-goût amer malgré tout.
Bauges ou clapiers, les logements et les quartiers du Bout de la Route sont définitifs : "D'ici on ne part pas". Il ne s'y passe rien sauf lors du confinement quand il faut imposer des quotas dans les magasins. Les chefaillons s'excitent, pointilleux, dirigistes puis inexplicablement, baissent les bras et rentrent dans le rang face à l'endiguement impossible de la marée humaine, le groin grognon et poussif vers sa pitance.
Les autres rubriques s'ensuivent : "Formulaires et pièces jointes", "Sous la poussière" ressuscitant des livres oubliés qui sonnent étrangement aujourd'hui et surtout "Le magasin à poudre" avec ses constats hallucinants et ses prévisions explosives. Enfin, l'obscur Valyn, du Petit journal de 1878, propose de combattre les airs intérieurs viciés, corrompus par les miasmes, avec des vapeurs de chlore dont il donne la recette, toujours utile avec la fin de partie annoncée.
"Dernier carré" est un bulletin qui se dévore de bout en bout, avec un appétit insatiable de vrillette papivore. Conserver, ingérer, assimiler, par les temps de disette qui s'annoncent, la revue roborative tient le haut du pavé.
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