Tout ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément.
Écoutez tout le monde, assidu consultant./ Un fat, quelquefois, ouvre un avis important./ Quelques vers toutefois qu'Apollon vous inspire,/ En tous lieux aussitôt ne courez pas les lire./ Gardez-vous d'imiter ce rimeur furieux/ Qui, de ses vains écrits lecteur harmonieux,/ Aborde en récitant quiconque le salue/ Et poursuit de ses vers les passants dans la rue./ Il n'est temple si saint, des anges respecté,/ Qui soit contre sa Muse un lieu de sûreté.
Auteurs, prêtez l'oreille à mes instructions.
Voulez-vous faire aimer vos riches fictions ?
Qu'en savantes leçons votre Muse fertile
Partout joigne au plaisant le solide et l'utile.
Un lecteur sage fuit un vain amusement
Et veut mettre profit à son divertissement.
Que les vers ne soient pas votre éternel emploi ;
Cultivez vos amis, soyez homme de foi :
C'est peu d'être agréable et charmant dans un livre,
Il faut savoir encor et converser et vivre.
Selon que votre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
et les mots pour le dire arrivent aisément.
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
L'ignorance toujours est prête à s'admirer.
Faites-vous des amis prompts à vous censurer.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser .
Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée.
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.
Tout reconnut ses lois; et ce guide fidèle
Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle.
Marchez donc sur ses pas; aimez sa pureté,
Et de son tour heureux imitez la clarté.
Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre,
Mon esprit aussitôt commence à se détendre,
Et, de vos vains discours prompt à se détacher,
Ne suit point un auteur qu'il faut toujours chercher.
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un nuage épais toujours embarrassées;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Surtout qu'en vos écrits la langue révérée
Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.
En vain vous me frappez d'un son mélodieux,
Si le terme est impropre, ou le tour vicieux;
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme,
Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain