La main froide

Le vieux quartier Latin a disparu avec la dernière grisette.

Le temps n’est plus où les étudiants tenaient à honneur de ne jamais quitter la rive gauche. Maintenant, ils passent volontiers les ponts et ils se répandent sur les grands boulevards, comme ils les appellent, pour les distinguer du boulevard Saint-Michel qu’ils nomment familièrement le Boul’Mich’.

Elle a et elle aura toujours la main froide, mais pas le cœur, et elle aimera passionnément son nouveau mari.
Le proverbe aura raison, une fois de plus.

Et puis, il y a le dicton: main froide, chaudes amours… J’incline à croire qu’il s’applique très bien à la marquise… je voudrais qu’il me fût donné d’en faire l’expérience, mais je ne l’espère pas…

La peau de ses mains est glacée comme la peau d’un serpent. Quand elle était jeune fille, ses compagnes l’appelaient la Main-Froide. Si jamais elle faisait une exception en ma faveur, je me figure qu’en la touchant, j’éprouverais une impression désagréable.

On lui pardonne tout, parce qu’elle est adorablement jolie, mais il faut convenir qu’elle a fait tout ce qu’il fallait pour se déclasser. Toute autre qu’elle y aurait réussi depuis longtemps; mais le monde a de ces indulgences pour les femmes qui savent se bien poser dès le début.

Quand les sages sont à bout de leur latin, ce qu’ils ont de mieux à faire c’est de passer la main à un fou.

La passion l’aveuglait à ce point qu’il aurait nié l’évidence plutôt que de convenir qu’il se trompait.

Il est père sans le savoir. Tout est possible. Une aventure de voyage, la nuit, avec une femme dont il n’a pas vu le visage. Elle n’a peut-être pas su qui il était; ce n’est que beaucoup plus tard qu’elle l’a appris, et depuis qu’elle le sait, elle cherche à le revoir. Elle n’ose pas s’adresser à lui directement et elle emploie des moyens détournés pour l’attirer à elle.

On a beau ne pas être sentimental à l’excès, on ne garde pas volontiers sur soi les reliques d’un homme qu’on a vu tomber, frappé à mort, dans un duel dont on a été la cause première.

Pour faire un civet, il faut un lièvre… eh! bien, pour se marier, il faut une femme… j’entends une femme aussi bien dotée par ses parents que par la nature… et dame!… ces lièvres-là, ça ne court pas les champs… ni même les rues de Paris.