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Critique de Malaura


Etrange et belle expérience poétique que celle que nous donne à vivre la lecture de « L'heure présente » d'Yves Bonnefoy.

Les mots d'Yves Bonnefoy s'écoulent en chapelet de sons, comme une musique intérieure, faisant vibrer une corde sensible au-delà de la logique, du raisonnement ou de la connaissance.
Des mots que la raison n'appréhende pas dans toute leur ampleur, leur pénétration et leur clairvoyance mais que le coeur saisit et paradoxalement, conçoit mieux que l'esprit.
Prescience…Réceptivité primaire, caractère primal des sons qui, infusés, répandus au coeur de l'être, appellent images et souvenirs.
Finalement, n'est-ce pas là le fondement même de la poésie ?
Le poète se fait « faiseur de sens », créateur d'ornements à la fois mélodiques et littéraires.

Cela s'entend, cela s'écoute comme un chant de vie, cohorte de mots que l'esprit craint à associer mais dont l'âme permet l'union, le mariage éphémère, comme s'il existait un autre sens aux mots au-delà de leur signification première, simplement la conscience de leur son, l'acceptation de leur sonorité, ce vocable que forme les lèvres et qu'elles unissent à d'autres mots, formant alors une partition, un ensemble musical qui définit le monde dans un écrin de sens, de sensations, quelque chose de perceptif, d'intuitif, de sensoriel…l'entendement du coeur.

« Regardez, écoutez ! le moindre mot / A dans sa profondeur une musique / le phonème est corolle, la voix c'est l'être / Qui peut fleurir, dans même ce qui n'est pas. »

Le recueil « L'heure présente » qui regroupe poèmes inédits, poèmes déjà édités entre 2009 et 2011 et textes poétiques en prose, est une exploration.
Exploration des mots, des images et des couleurs, exploration du temps, de la mémoire, des souvenirs, de la mort qui approche l'homme devenu vieillissant qu'est aujourd'hui Yves Bonnefoy.

A celui qui vieillit, dont le temps est passé et qui sent l'approche d'une disparition inéluctable, alors que tout semble illusion et vaine chimère, ne reste plus que la parole et les mots comme onde libératrice et source d'espérance.
Yves Bonnefoy en extrait, quelquefois avec douleur, la conscience de ce qui est, de ce qui a été et qui n'est plus, de ce qui sera, de ce qui pourrait être.

« Et des mots, tout cela, des mots car, en vérité, mes proches, qu'avons-nous d'autre ? Des mots qui se recourbent sous notre plume, comme des insectes qu'on tue en masse, des mots avec de grandes échardes, qui nous écorchent, des mots qui prennent feu, brusquement, et il faut écraser ce feu avec nos mains nues, ce n'est pas facile.
Des mots dont les enchevêtrements dissimulent des trous, où nous perdons pied, et glissons, poussant des cris, mais peu importe, notre vie, c'est si peu de la pensée, ne croyez-vous pas ! Vite, nous nous ressaisissons, nous nous remettons à parler. »

« le coeur a ses raisons, que la raison ignore » dit-on, et c'est un peu cela que nous retiendrons de cette lecture, de cette poésie comme voix murmurante, susurrante, bruissant comme des pas dans l'herbe fraîche un matin de rosée.

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