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La miséricorde des coeurs, un titre étrangement poétique pour un récit qui décrit l'enfance du narrateur dans les années soixante au coeur d'une vallée archaïque de la Hongrie, un monde rural rustre et éternellement pauvre où chacun se débat comme des noyés assoiffés d'air.

La lecture de ce texte laisse même peu de place à la compassion, rien n'y est tendre ou aérien comme peut l'être la mélancolie. En jetant une lumière crue sur la vie quotidienne d'une famille déchue qui vit dans le dénuement auquel elle ne s'est jamais habituée, et en conflit avec le village car ici plus qu'ailleurs les histoires familiales sédimentent et laissent une empreinte indélébile dans les mémoires, Szilard Borbely a choisi de montrer comment la pauvreté use et abîme prématurément. Plongé dans des vies d'hommes et de femmes desséchés par l'absence de justice triomphante, le récit ne nous laisse guère de répit : la brutalité des uns fait écho à la maltraitance des autres, la haine de quelques uns se nourrit de l'aigreur de quelques autres.
La violence est omniprésente. Mais elle n'est pas un pamphlet ni un sermon, encore moins un réquisitoire dans le choix de la narration, elle est présente simplement parce qu'elle construit les personnalités dés la petite enfance et se manifeste dés qu'on lui en laisse l'occasion.
Cela donne un texte âpre au toucher, même s'il est pénétré de l'innocence naturelle d'un enfant. Sans échappatoire, d'une manière directe et simple, l'auteur parvient à s'effacer derrière son jeune narrateur et témoigne de son existence avec une sincérité absolue. On devine une part autobiographique tant la réalité se montre tenace : la facilité de l'auteur hongrois à détailler les actes du quotidien qui définissent ses personnages et tous les éléments qui concourent à renforcer la perception des difficultés de chacun impressionne.

Roman rude et sans concession donc, mais j'ai adoré. J'ai aimé la façon de Szilard Borbely d'atteindre l'essentiel sans être démonstratif, ni jamais appuyer sur les mots. C'est peut-être son histoire qu'il raconte, quoi qu'il en soit il maîtrise parfaitement la voix de l'enfant qui ne saisit pas tout ce qu'il voit, s'attardant sur l'accessoire parfois mais laissant deviner de manière évanescente les contours de l'histoire bien sombre de sa famille.
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Raconté à la première personne du singulier,à travers les yeux d'un petit garçon,"la miséricorde des coeurs" est le témoignage d'une vie de famille,dans une indigence matérielle totale et un environnement hostile,voire brutal,fin des années 60,dans un village,aux confins de la campagne hongroise,près de la Roumanie.
Le père,fils naturel d'un Juif,est rejeté par la communauté et même par le kholkoze qui refuse de l'employer.Il va s'exiler pour trouver du travail.Quant à la mère,fille d'anciens koulaks,elle aussi est en butte aux hostilités des habitants du village.Un village ,où tout est misère,violence,crasse....conséquences du régime totalitaire....Le petit garçon oscille entre désespoir et courage,innocence et maturité précoce,se réfugie dans les nombres premiers.Ces nombres premiers,qui reviennent souvent dans le texte,sont ses repères dans la conception de cette Vie démunie et violente("Trente et un ans nous séparent.Trente et un est un chiffre indivisible.Trente et un ne se divise que par lui-même.Et par l'unité.Voilà la solitude qui nous sépare.Impossible de fractionner.Il faut la trimballer en son entier.")
C'est un livre sans ordre chronologique,trés riche du point de vue historique et ethnographique (par l'occasion j'ai rafraîchie mes connaissances historiques sur la Hongrie),mais avec beaucoup de descriptions assez crues et sauvages,notamment concernant les traitements infligés par les hommes aux bêtes,donc âmes sensibles,s'abstenir.
L'auteur,encensé par le Prix Nobel Imre Kertész,s'est donné la mort début 2014.Il venait d'avoir 50 ans.Peu de temps avant ,ce livre son premier et unique roman (sans doute autobiographique)avait été sacré meilleur livre de la décennie à Budapest,un récit magnifique et poignant!
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Szilàrd Borbély raconte sans misérabilisme les souvenirs de sa Hongrie profonde, famille brimée parce que juive, le père chassé du kolkhoze, les repas frugaux et les animaux qu'il faut tuer, le baiser répugnant des vieux, la mère qui raconte parfois de jolies histoires mais souvent s'épuise à la tâche, et les enfants qui s'accrochent à ses jambes quand elle veut se jeter dans le puits...

Egalement quelques morceaux d'Histoire mais le mélange chronologique et les redites étaient ils vraiment nécessaires?
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La Hongrie rurale des années d'après guerre n'a pas encore fait sa révolution et notre narrateur, jeune garçon, nous raconte son quotidien et celui de sa famille avec ses mots, simple et percutants.
Une vie faite de pauvreté, de l'alcoolisme du père, des tâches journalières exécutées par la mère mais aussi par les deux plus grands enfants, la promiscuité dans une "maison" d'une seule pièce. Une vie dure et simple, sans beaucoup de miséricorde, juste un peu de bienveillance mais vraiment un peu.
Un destin pour toucher du doigt un peu de liberté.
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La France vivait le printemps de mai, à 1500 km de là, la Hongrie vivait au Moyen Âge... L'insurrection de 1956 avait été réprimée plus d'une dizaine d'années auparavant
Un gamin de 8 -10 ans nous fait partager sa vie de gamin de la campagne hongroise. Les communistes sont au pouvoir dans le village, ils dirigent le kolkhoze, et donnent du travail à qui bon leur semble...Tout le monde ne peut pas avoir ce sésame ...la carte du Parti. Et ceux qui ne peuvent pas, vivent de petits boulots, vident les fosses d'aisance, sont employés occasionnellement ou s'expatrient dans les villages voisins, rêvent d'émigrer au Canada. Il faut faire de la lèche pour avoir du travail, se méfier des mouchards
Tout serait plus facile si le père travaillait et ne passait ses soirées au troquet du village, ne rentrait pas saoul après avoir bu verre de gnôle après verre de gnôle, ne battait pas sa femme...comme tous les hommes du village
La famille élève quelques volailles, un cochon....pour améliorer un ordinaire bien fade, le gamin a toujours faim, la famille vit dans une maison au sol battu, couche sur des matelas fait avec des sacs pris dans la cimenterie, et bourrées de paille...Bien pratique quand le gamin pisse au lit ....on change la paille. On économise les vêtements...les autres gamins se moquent de lui parce qu'il est habillé avec les vêtements et les chaussures de sa grande soeur.
"Chez nous, ce n'est pas comme chez les pauvres : il n'y a pas ceci, où il n'y a pas cela. Chez nous il n'a rien du tout"
Une vie sans aucune intimité dans la pièce unique, chacun se lave après l'autre dans la bassine unique au milieu de la cuisine, la mère tient, dans leur pauvreté à une certaine rigueur contrairement aux autres familles :"Ils ne prennent jamais de bain, ça me répugne. Ils ne se lavent pas, leurs enfants sont sales, ils se fichent d'eux. Ils les lâchent comme Dieu lâche les mouches."
Tout irait sans doute mieux si le père n'était pas l'enfant naturel d'un juif, si la mère n'était pas la fille d'un koulak, ces propriétaires terriens dont les terres ont été confisquées par les communistes...Régulièrement l'un ou l'autre sauront leur rappeler leurs origines...
A coté de ces pages noires, des pages de poésie quand le gamin s'émerveille devant les insectes, la campagne..
Un roman qui permet d'une part de connaître cette vie de la Hongrie campagnarde à la fin des années 60, mais aussi celle de cette campagne depuis le début du siècle pendant la grande guerre, cette vie qui a été raconté au gamin par ses grand-parents, ses tantes, sa mère ..., le départ des juifs vers les camps, le pillage de leurs commerces : "Les articles de son magasin. Les meubles de la maison. Les livres de l'étagère. le crochet du mur. le linge de l'armoire. La miséricorde des coeurs.", les relations entre les communautés, l'immigration roumaine...le racisme plus ou moins avoué envers les Juifs et les tziganes... cette vie dont l'enfant devenu adulte se souvient, ou dont on lui a parlé.
Si vous cherchez un roman pour vous distraire, passez votre chemin. Si vous cherchez une découverte, lisez-le...Pas facile de s'y retrouver parfois, car il n'est pas construit de façon chronologique, comme ces souvenirs d'enfance qui nous reviennent par bribes et sans ordre quand nous sommes adultes
Un romancier que j'ai découvert...
"La miséricorde des coeurs" est-il un roman autobiographique... Szilárd Borbély a emporté son secret avec lui : Vous ne pourrez pas découvrir d'autres romans de Szilárd Borbély.. Il s'est suicidé en 1964, il avait 50 ans

Lien : http://mesbelleslectures.com..
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De miséricorde, il n'en est que très peu question dans la vie que nous raconte le petit graçon d'un village reculé de la Hongrie des années 1970. Des bribes d'histoires que lui livrent les adultes n'apparaissent que des êtres spoliés : de leur racines, leur religion, leur culture, leur terres au gré des guerres et des régimes politiques successifs.Ne restent autour de lui que la violence des mots, les coups, les insultes, les superstitions et les haines transmises de génération en génération. Sa quête d'identité se heurtera aux non-dit et au mépris, tempérés de temps en temps par l'affection de quelque parent et la tendresse d'une mère esseulée et dépressive qui n' a qu'un rêve : quitter cet endroit où elle est rejetée parce que fille de koulak et femme du fils d'un juif.
Bien qu'il soit très dur et qu'il nous "prenne aux tripes" parce que raconté par un enfant, il subsiste dans ce récit quelques rares moments de l'insouciance propre à l'enfance, même si d'évidence on devine que celle-ci sera courte.
J'ai beaucoup aimé ce livre, à ne pas lire si on a le cafard ou si l'on a l'âme trop sensible ( certaines scènes de cruauté envers les animaux sont difficilement supportables).
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Je ne raconte jamais l'histoire d'un roman, d'autres le font si bien. C'est la 1ère fois que je ne parviens pas à dire ce que j'ai ressenti sans parler du sujet. Cet enfant qui parle, décrit, ressent sa famille, expérimente violemment la vie à la campagne en Hongrie dans les années 60. Cet enfant semble s'adresser à moi. Je ressens de l'empathie dans cette époque troublée d'après-guerre avec ses relents de haine, de jalousie, d'antisémitisme etc. Je me suis perdue à cause de ma méconnaissance de l'histoire du pays mais l'auteur m'a remise sur le chemin avec son fil conducteur lié aux nombres premiers qui donnent des repères à l'enfant et grâce aux discours transgénérationnels. C'est un livre social et familial très instructif sur le plan politique, dans la brutalité de la vie, dans l'initiation, dans de multiples souffrances. Ce livre sera l'unique roman de Borbely qui hélas ne l'aura pas amené vers l'espoir.
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Ecrivain hongrois, Szilárd Borbély est né en 1964. Il a enseigné la littérature hongroise à l'Université de Debrecen et a traduit un certain nombre d'ouvrages depuis l'allemand et l'anglais. C'est par sa poésie qu'il s'est fait connaître sur la scène littéraire (son premier recueil a été publié en 1988 alors qu'il était encore étudiant). Mais il est également l'auteur de pièces de théâtre, d'essais et d'ouvrages sur l'histoire de la littérature. La Miséricorde des coeurs, son seul roman, est paru en 2013, c'est-à-dire peu de temps avant son suicide en début d'année suivante.
Dans le courant des années 60', dans un petit village du nord-est de la Hongrie, c'est-à-dire une zone géographique proche de la Roumanie et de l'Ukraine, une famille vit dans la misère et tente, tant bien que mal, de survivre.
Même sans être un spécialiste de la géopolitique d'Europe centrale, on sait que cette région a été de tout temps un invraisemblable imbroglio de provinces annexées, rendues partiellement ou redécoupées en fonction des pouvoirs et forces en présence. Un terreau évidemment propice aux misères et souffrances humaines, le communisme s'octroyant une bonne part des responsabilités. C'est sur cette base et son expérience personnelle que Szilárd Borbély a écrit ce roman et vous conviendrez qu'on ne peut pas s'attendre à rigoler beaucoup durant cette lecture. Heureusement l'auteur a trouvé une parade pour alléger l'humeur ambiante – une astuce connue certes, mais qu'on le remercie d'avoir utilisée – faire du narrateur, un gamin de six ou sept ans quand débute le livre. L'auteur peut alors jouer avec l'écriture en adoptant le regard de l'enfant sur le monde qui l'entoure. Un gamin ne sachant pas tout, le récit avance en mêlant des descriptions extrêmement précises, sans économie de détails parfois répugnants, de faits de toutes sortes concernant aussi bien la vie de tous les jours à la ferme que de personnages souvent désagréables, mais aussi d'interrogations terriblement importantes sur les origines de sa famille qui ne se révèleront que petit à petit au cours de la lecture. Précisions pour ci et manque d'informations pour ça, cet étonnant cocktail tient en haleine le lecteur, déjà satisfait de lire un bouquin bien écrit et bien rythmé.
La famille du narrateur, son père communiste mais pas inscrit au Parti, mis au chômage par le responsable du kolkhoze, boit et peut être violent, peut-être fils bâtard d'un Juif ; sa mère n'est pas communiste, prie chaque soir la Vierge Marie et méprise les paysans car fille d'un koulak ; la soeur aînée de cinq ans avec laquelle il se querelle sans arrêt ; et le frère cadet, un bébé surnommé le Petit. Et puis il y a le grand-père, ancien militaire, qui apprendra au gamin l'histoire familiale et par ricochet nous enseigne l'Histoire, et les oncles, « les plus grands Croix Fléchées du village », harceleurs de Juifs…
Outre la misère classique (faim, froid), le roman n'est que violences. La violence domestique des campagnes qui nous vaut des scènes horribles, on noie les chats et on massacre les chatons, on tue le poulet, on écrase les insectes noirs, à moins que ne dérivent dans la rivière en crue, des cadavres de vaches ou de brebis en décomposition ; mais il y a surtout la violence envers les hommes qui ne dit pas son nom, les moqueries des enfants du village envers le narrateur, l'excluant de leurs jeux, celle des adultes contre le Juif du village, tenu à l'écart ou confiné à vider les chiottes, ou bien la rumeur qui voudrait que le père de notre gamin soit un Juif, les familles du père et de la mère qui ne s'aiment pas en raison de leurs origines sociales opposées. Et le Parti qui surveille tout son petit monde, « Les gens savent que le mastroquet est un indic. Et ils trouvent cela normal. Mais personne n'ose le lui dire en face. »
Le roman n'a ni début, ni fin, proprement dit, une tranche de vie s'étalant sur quelques années avec en toile de fond l'Histoire de la Hongrie, la Guerre, les rescapés des goulags ou les expropriations des terres par les communistes. Certains en mourront immédiatement, d'autres en différé, comme Szilárd Borbély après avoir couché sur le papier ces invraisemblables épreuves.
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Terminé il y a plus d'une semaine, je conserve une vive émotion en songeant à ce roman. Il reflète à la fois les souffrances de l'enfance dans un pays tourmenté ainsi qu'une mélancolie latente qui semble empoisonner le narrateur. Il est aisé de s'attacher à ce petit bonhomme empli de bon sens, de comprendre sa mère endurcie au contact d'un climat peu clément... La seule difficulté est belle et bien de refermer ce roman afin de laisser ses personnages s'évanouir
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"Chez nous, ce n'est pas comme chez les pauvres : il n'y a pas ceci, ou il n'y a pas cela. Chez nous, il n'y a rien du tout."

C'est dans un quasi total dénuement que grandit le jeune narrateur de la miséricorde des coeurs. Dans ce roman qu'on imagine largement inspiré par la vie de Szilard Borbély, c'est un village de Hongrie, à la fin des années 60 (douze ans après la répression de l'insurrection de 1956) qui sert de décor. La vie y est rude, surtout pour la famille de notre narrateur, dont le père peine à trouver du travail et claque le peu gagné au troquet. Alors on ne jette rien, on économise sur tout et lui doit subir les moqueries parce qu'il porte les vêtements et les chaussures de sa soeur.
"Nous allons partir d'ici. Dans pas trop longtemps, nous allons partir. le Seigneur va nous libérer, béni soit son nom." répète régulièrement la mère, elle qui ne s'est jamais sentie à sa place au milieu des ces paysans. C'est qu'elle est fille de koulak - ces anciens propriétaires terriens dont les biens furent confisqués par les communistes - et donc de meilleure naissance, même si aujourd'hui, elle possède encore moins que certains d'entre eux. Son ascendance et celle de son mari (le fils naturel d'un Juif) ne les aident pas à être intégrés ni même à trouver du travail. Mais elle espère la mère partir, fuir quand elle ne tente pas de se jeter dans le puits.
En cheminant dans ce roman - véritable document sur la vie à cette époque dans ce coin du monde - qui ne se laisse pas facilement apprivoiser, on se prend à s'attacher à ce jeune garçon, à sa naïveté d'enfant, au regard poétique qu'il pose sur la nature qui l'entoure - malgré le froid, malgré la faim -, aux histoires d'antan flamboyantes que lui narrent les parents qui l'entourent. Une chronique rude d'un monde pas si lointain...
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