Pour la première fois, j'ai vu qu'on l'avait conditionné à penser comme nous. Je dis « nous » parce que même si je ne me suis pas acharné sur lui, je n’ai rien fait pour empêcher les autres de le détruire psychologiquement. Personne n'a cherché à voir sa détresse. C’est tellement plus facile de se dire qu'il le mérite, que c'est de sa faute, que si on raconte qu'il a tué sa petite sœur, c'est forcément vrai. Personne n'a cherché à connaître la vérité, et je comprenais pourquoi en le regardant. Voir toute cette souffrance rien que dans ses yeux, c'était comme se prendre une centaine de baffes en même temps. Et il n'a même pas encore parlé. Il n'a pas encore pleuré. Non, il faisait juste me regarder, et c'était déjà suffisant pour avoir envie de se jeter sous un train.
L'humain est faible. L'humain est lâche. L'humain est intolérant.
Non, je ne suis pas gay. Je n'aime pas les garçons Mais je suis amoureux d'Eliott. De lui en particulier. Et qu'il soit un garçon ou une fille m'importe peu.
Je regardais la pluie éteindre le feu ardent qui brûlait dans mon cœur comme mes larmes l'on fait tout à l'heure.
Il a seulement fixé ses grands yeux bleus sur moi. J'ai cru m'y noyer tellement ils étaient empreints à la tristesse et au désespoir. Pas noyé dans le sens débile des métaphores quand on tombe amoureux. Non, là, je me suis noyé, j'ai coulé et je ne suis plus remonté à la surface.
On peut aimer sa famille, ses amis, des animaux. On peut même tenir à des objets. Et parce que je suis un garçon, je n'aurais pas le droit d'aimer un autre garçon? Pourquoi ? Parce que c'est interdit ? Qui a décidé ça? C'est interdit de voler, de tuer, de kidnapper, de faire exploser des bombes, de torturer... Mais il n'a jamais été interdit d'aimer.
Je ne voulais qu'une chose, l'avoir près de moi. Je m'en fichais de couler avec lui. C'était lui, et il me donnait envie de me battre et de vivre. Tout simplement.
Et c'est là que le compte à rebours s'est lancé. Cinquante-sept jours.
On ne savait pas que c'était le début de quelque chose. Que je le sauverais de lui-même et qu'il me délivrerait de cette existence monotone. On ne savait pas qu'on allait être lié contre le reste du monde pour combattre dans la plus dur des batailles.
Pourquoi nous rappelle-t-on toujours nos erreurs passés lorsqu'on fait les choses bien ?