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Critique de Dionysos89


Le Pierre Bordage nouveau est arrivé, nous dit-on. Amateurs de « planet opera » sans grandiloquence scientifique, soyez sur le départ, car ce petit cru s'annonce Gigante !


Alors, Gigante, Gigante, qui es-tu, Gigante ? Planète dix-huit mille fois plus volumineuse que notre bonne vieille Terre, elle s'affiche comme l'une des plus récentes destinations de la colonisation spatiale. Pourtant, sa morphologie engendre bien des désagréments pour les foultitudes de peuplades venant la coloniser. Changements climatiques soudains, désagréments électriques sous forme de boule de feu pouvant vous désintégrer à tout moment : Gigante est un milieu hostile où la notion d'espace n'est plus celle que nous connaissons.
Et c'est sur cette planète que débarque Zaslo Merticant, jeune ethnolinguiste plutôt naïf qui aborde cette aventure avec un double objectif : tuer le père qui a abandonné sa mère avant sa naissance pour rejoindre ladite planète et percer les mystères de Gigante. Comme rien n'est simple, l'un et l'autre de ces buts primaires apparaissent rapidement comme particulièrement compatibles quand on comprend que chaque voyage à la surface de la planète s'effectue au prix d'une vie entière.

Ces changements dus à la géologie de la planète d'accueil de notre Zaslo impliquent bien d'autres modalités dans ce voyage à vitesse variable. Pierre Bordage inclut alors dans son récit des thèmes habituels chez lui, qui lui permettent de la même manière de s'affranchir de bon nombre de mises au point scientifiques sur ses « inventions ». Ainsi, dans la modification du rapport à l'espace (et du même coup, au temps qui passe), il s'agit d'aborder la question très actuelle des difficultés de déplacement avec une approche plutôt géographique. Comme le fait remarquer Jérôme Vincent d'ActuSF dans l'interview finale, le moment où le personnage principal recule pour mieux sauter, perd du temps qu'il n'a pas en somme, nous enjoint à ralentir de temps en temps et à ne pas céder aux sirènes de notre société du « toujours plus vite ».
C'est donc l'ultime solitude de l'être humain face à un monde trop grand pour lui, pour sa pauvre et simple existence, qu'il faut cerner ici. Cela se voit d'autant mieux quand Zaslo multiplie les rencontres pour mieux reperdre les gens de vue. C'est l'occasion pour Pierre Bordage de créer quelques scènes superbes où Zaslo découvre ici un décor majestueux, là un langage longtemps recherché ; c'est souvent les passages sur la découverte de l'histoire de Gigante qui m'auront touché le plus.

Pierre Bordage applique ici, avec sérieux et habitude, les recettes qu'il connaît bien pour enjôler son public. Un environnement déchaîné, des enjeux clairs et des problématiques très actuelles, une pincée d'histoire d'amour, le tout servi par des avancées scientifiques simples à comprendre et à expliciter : sa narration est efficace et nous fait enchaîner toujours plus vite les chapitres, d'autant que ceux-ci sont plutôt courts et sont toujours introduits par quelques paragraphes tirés des journaux personnels des protagonistes.
Pour autant, il ne faut pas oublier que cet univers est le fruit d'une collaboration entre deux auteurs, Pierre Bordage et Alain Grousset, mais aussi entre deux techniques d'écriture (très instinctive ou plus ordonnée), et même entre deux genres aux publics différents, puisque que ce Au nom du père vise un public adulte, alors que le Au nom du fils est clairement publié dans une collection jeunesse. le deuxième volume, qui peut apparaître comme une suite indépendante dans le même monde créé conjointement, nous propose de suivre alors le père de Zaslo sur les traces du fils qu'il n'a pas connu (d'ailleurs, ne lisez pas le résumé du tome écrit par Alain Grousset, car il dévoile en partie la conclusion du présent roman).


Somme toute, voici un roman qui se laisse dévorer aussi vite que voyage la Guilde. Finalement, Gigante y est bien le véritable personnage principal : c'est elle qu'il nous faut cerner pour comprendre ce vagabondage incessant au nom d'un père fort absent.

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