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Critique de Kirzy


Hugo Boris a inventé une très jolie formule : il « herborise » dans les transports à commun – métro et RER - , c'est-à-dire il consigne sur le vif les « cadeaux du hasard, le ravissement d'une scène, d'une rencontre, le saisissement d'un mot lu ou entendu », «  témoignage d'un coude à coude avec mes contemporains et leur imprévisibilité. »

Un jour, il fait dace à une altercation violente qui le sidère : il est incapable d'intervenir, de prendre la parole, encore moins à s'interposer physiquement, lui qui est pourtant ceinture noire de karaté. C'est l'occasion pour l'auteur de s'interroger sur sa propre veulerie et sur le courage des autres, ceux qui osent aller au contact quand une situation dégénère.

Si j'ai trouvé le numéro d'autoflagellation assez agaçant et répétitif, ce qui m'a lassé et fait parfois décroché de ma lecture, j'ai vraiment goûté le talent d'observateur. le microcosme du RER est scruté avec beaucoup acuité, révélant la brutalité du monde ( agressions, racisme, harcèlement, homophobie, abandon des SDF ) et explorant sans complaisance comment l'individu fait face à cette violence. Cette focale centrée sur la réaction individuelle est très pertinente et juste.

Mais ce que je retiens, ce sont les scènes vibrantes d'humanité comme celle-ci. Une rame bondée, une chaleur étouffante, une fenêtre impossible à ouvrir, une femme qui n'arrête pas de râler :
« C'est plus fort qu'elle, elle a besoin de s'agiter. En face, la vieille femme sourit faiblement depuis tout à l'heure. L'apercevant, ma voisine se tourne vers elle tout à trac en désignant son chemisier à manches longues.
- Et vous, comment vous faites ? Vous n'avez pas chaud ?
La vieille tressaille légèrement , comme si elle espérait et redoutait cette sollicitation. Son visage prend une expression de douceur navrée. Elle déboutonne son poignet et retrousse sa manche pour faire apparaître un numéro de matricule bleu pâle tatoué sur son avant-bras. Silence horrifié dans le carré.
- J'ai passé dix huit heures dans un wagon à bestiaux sans air, sans eau, avec un bébé de six mois, alors aujourd'hui, je n'ai plus chaud.
Elle nous attendait au tournant depuis toute à l'heure. Nous restons stupides. Ma voisine de droite ne sait plus où se mettre. Un sourire de bonté désolée éclaire le visage de la vieille dame, qui la rassure aussitôt :
- Mais c'est pas grave, c'est pas grave.
Elle passe le reste du trajet à consoler les passagers autour d'elle, comme un grand malade à l'hôpital qui s''efforcerait de remonter le moral de ses visiteurs. »

Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices Elle 2020, catégorie Essai.
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