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Critique de Kirzy


Rentrée littéraire 2021 #5

Pour suivre l'odyssée de Maria à travers la Russie / URSS post révolution bolchevique, il faut accepter le tempo du roman, il faut d'abord dompter l'exaltation d'une langue française poussée dans ses retranchements, essorée, tordue, enflammée par une ponctuation spectaculaire mitraillant le texte de points de suspension, d'exclamation, dans une mitraille de phrases brèves, parfois nominales. Mais une fois cet effort concédé, un texte retentissant à l'empreinte puissante s'ouvre à nous.

On se perd parfois dans les déambulations de Maria qui la mène jusqu'au siège de Leningrad mais jamais sa présence incandescente ne nous quitte. Un des plus beaux personnages féminins lus depuis longtemps. Maria, vouée à ne pas survivre dans une Russie rongée par la famine, née faible et boiteuse dans une famille misérable au nord de la mer Blanche, achetée contre quelques poissons par ces frères à une marraine qui deviendra son phare. Une simple d'esprit mais pas simplette. Juste un coeur pur qui suit ses intuitions, prend le monde tel qu'il est et s'y adapte. Un élan naturel vers l'autre, sans jamais vouloir le posséder ou le juger, juste posée là en observatoire des passions des autres ( notamment Anna, son opposée polaire qui, elle, mijote dans les passions ).

Confrontée à la violence du monde - la famine omniprésente, la guerre - le roman prend des allures de parabole christique tant la symbolique chrétienne semble imprégner la destinée de Maria, l'agneau des neiges, jusqu'à une cave de Leningrad, entourée de douze orphelins qui n'ont plus qu'elle pour tenter de rester en vie. Maria continue à avancer inaltérable malgré l'horreur qui se déchaîne.

Et c'est justement dans les cent dernières pages, consacré au terrible siège de Leningrad ( 900 jours du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944 ) que la prose de Dimitri Bortnikov prend tout son sens. Sa logorrhée étourdissante se conjugue au gré des bombes et la famine qui tuent par centaine de milliers, plus explosive que jamais dans la description de cette épopée de survie. le lyrisme singulier de l'auteur est tellement stimulant qu'il imprègne cette lecture d'images fortes .

« Un autre jour, Maria s'est réveillée d'un étrange silence. Elle est sortie pour voir. le ciel était comme une huître ouverte ... Au palais nacré. Et le ciel chantait la musique de la neige ... Il avait neigé cette nuit-là. Maria humait l'air. Rien. Aucune odeur ... L'air était pur, et le ciel était haut. Si haut ... Et le silence était parfait. A tomber à genoux devant tout ça ... Et puis le soleil s'est levé et la neige, elle s'est allumé de mille feux. Cette lumière du Nord. le feu vert d'abord ! Puis rose ... Puis vermillon ... Et l'ombre bleue, oui, ce bleu tendre, presque gros, qui vous suit, et puis passe devant et vous guide comme le chien d'un aveugle ... Puis s'allonge à vos pieds, reste comme ça le temps d'un coup de cils, et puis disparaît. Mon ami, mon ami ... La neige – c'est l'enfance de toutes les odeurs. La neige – c'est la mère de toutes les couleurs. La mère stérile ... Toujours jeune. Et là, Maria s'est mise à prier. »

Très impressionnant.
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