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Critique de ithaque


De sacrées tranches de vies, des personnages saisis sur le vif dans le grondement de l'Histoire.
Vulnérables et coriaces, on les aime rapidement pour cette pugnacité.
Les débuts dans la vie de la petite Maria sont très durs et le passage par l'orphelinat pouvait nous faire craindre le pire, mais non, c'est le moment où l'auteur nous laisse souffler un peu car l'accent est mis sur la vigueur et l'appétit d'émerveillement intact des enfants.


Un des plus beaux personnages est le menuisier de l'orphelinat, il sait tout faire et la magie crépite de ses mains, captivant les petits pour des instants hors du temps. Il recrée des mondes à partir de rien, quelques matériaux glanés , il en fait une cosmogonie et joue de son talent pour être le démiurge qui fera d'une maigre journée un spectacle .
C'est fort, cette crique de tendresse humaine créée par quelques adultes pétris dans la bonne pâte, par la grâce du hasard.


Cette tendresse de Bortnikov m'a fait toutefois plisser des yeux, comme un souriceau invité à l'anniversaire d'un matou. Ce petit doute qui taraude, humhum. Et de fait, ces câlineries félines de chattemite n'étaient destinées qu'à nous attendrir les flancs pour mieux nous précipiter dans la marmite d'une histoire terrible. Froid , faim, enfant, le trio infernal brutalise en nous cette part qui fait du plus petit sa priorité, cet élan puissant qui pousse à prendre soin de la vie à peine émergée. Il faudra vivre plusieurs morts par procuration et lâcher les mains, une par une.


J'ai été plus réticente sur la forme, refus d'obstacle devant cette prosodie martelante, alternant sans relâche points d'exclamation et points de suspension. A part mamaman quand elle m' envoie une carte de bonne année je ne connais personne qui écrive avec autant de points d'exclamation ( mamaman aurait pu être écrivain russe ) . Peut-être cette méthode syncopée prendrait -elle tout son sens en étant scandée ? avec l'accent russe ?? trégorrois (dans le chaloupé on est pas mal) ????.....

J'ai peut-être aussi été déstabilisée car j'aime à conforter mes clichés les plus usés, et je pensais probablement retrouver une écriture plus sobre, le feeling écrivain- officier russe-contemporain, viril et chauve, façon Zakhar Prilepine (aux positions idéologiques qui font tiquer mais qui a une écriture percutante) : j'étais prête pour une nouvelle rafale yeux bleus glacés- sourire coincé KGB- écriture vodka Balkan 176 au plus près du poil.


Mais l'écriture à explosion modèle Bortnikov , et sa kalach' à "!" et "...", en dépit ou grâce à son hémorragie ponctuative, nous tient au final dans sa ligne de mire.
Certaines images ont une persistance rétinienne , elles rechignent à quitter les territoires mentaux qu'elles ont colonisés à coups de pistolet à clous exclamatifs .
Humbles et dignes, tous ces personnages nous restent en mémoire, découpés sur la neige dans le soleil froid, ou dans la pénombre des caves de Leningrad.

Merci à Babelio et aux éditions Rivage pour ce rude voyage dans L Histoire.
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