Pendant le repas, j'ai ouvert la bouche plusieurs fois pour parler de Shi-Meï et, à chaque fois, je l'ai refermée sans rien dire. Attitude qui a dû me donner l'air futé d'une carpe droguée, mais j'étais incapable d'agir autrement. Je n'avais vu Shi-Meï que cinq minutes, dont plus de la moitié en état de choc. Je n'avais rien à raconter ou alors il aurait fallu que je mette mon coeur sur la table et ça, il n'en était pas question.
Shi-Meï...
Même son nom était merveilleux.
Tout le monde a cru que je passais la nuit sous ma couette, mais c'est faux.
J'ai dormi sur un nuage.
Or, la dernière fois que j'avais tenté de voler à vélo, je m'étais aplati lamentablement dans la poussière.
Comme un pingouin ivre mort.
Ce n'était pas tout. A la maison, Luce et Marc continuaient à être géniaux et, pour couronner le tout, ma relation avec Eliott avait effectué un virage à cent quatre-vingts degrés. Depuis l'épisode du pif en bouillie, il me considérait comme son héros personnel, et moi, j'étais pris au piège de sa bonne humeur irrésistible et de sa gentillesse désarmante. Nous continuions à effectuer les trajets ensemble mais nous marchions désormais comme deux frères, et le soir, sous le sceau du secret absolu, je m'étais mis à jouer aux Playmobil !