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Critique de JIEMDE


« Je crois qu'il est impossible d'aimer tout à fait un pays qui a oublié que le mérite implique de la réciprocité. C'est que c'est important, dans cette vie, la réciprocité. »

Layla y est presque. À quelques derniers jalons de ce parcours du combattant qu'est l'obtention de la nationalité française. de quoi être heureuse, « forcément », pour cette exilée qui survit comme tant d'autres dans un hôtel parisien collectif et insalubre, qui n'a pour mérite que d'offrir un toit et un peu de soutien entre les femmes qui l'occupent.

Mais peut-on vraiment être heureuse quand les contreparties sont si élevées ? Quand obtenir une nationalité devient un choix binaire qui sous-tend de renoncer à celle d'avant ? À ses racines ? À sa langue ? À sa culture ? Et quand cette nouvelle nationalité n'a que l'apparence de l'égalité avec ses nouveaux compatriotes ?

« Marguerite Duras écrivait qu'un amour à sens unique, ce n'était pas de l'amour et je me disais que cela valait aussi pour un pays.
Peut-on aimer un pays seul dans son coin ?
Peut-on aimer un pays s'il ne nous aime pas en retour ? »

Face au radicalisme ambiant et à nouveau grandissant, Tu mérites un pays de Leïla Bouherrafa vient opportunément faire entendre une autre voix. Celle qui refuse ce choix absolu ; celle qui ne voit pas la nationalité comme une fin en soi qui serait déterminée par des critères désuets ; celle qui renvoie la France à davantage d'humilité et d'humanité.

« Ça m'a sauté aux yeux que la France était un paon.
Un pays trop fier qui avait un avis sur tout.
Sur tout sauf, bien entendu, sa propre médiocrité.
La France était un paon. »

Leïla Bouherrafa décrit la vie de ces « Français en attente », dont certains auront « la chance » de le devenir, et d'autres pas. Il suffira parfois d'un test, d'une barbe, d'un prénom ou d'un trop peu d'exaltation devant cette immense opportunité qui s'offre. Et au fil des pages, son prisme différent bouleverse quelques certitudes, les miennes comprises.

Si la charge contre le paon est parfois lourde, elle sait aussi se faire sarcastique, à l'image de notre « …Légion d'Honneur, qui est une décoration honorifique française remise à Michel Sardou et Bachar el-Assad ».

Dans une langue simple mais jamais simpliste, Leïla Bouherrafa construit son livre comme un petit traité de l'intégration subie plus que choisie, s'appuyant régulièrement sur les métaphores animales pour illustrer cette bataille de sentiments qui ronge celles et ceux qui ont à faire ce choix impossible. Une lecture intelligente et précieuse.
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