Le mendiant exigeant, Marcel Béalu
Une échelle de feu pour grimper dans la lune
Une étoile en papier pour rire de la nuit
Une couronne de fou pour chanter dans le vent
Un grand avion doré pour aller jusqu'en Chine
Un masque de héros pour plaire à mon neveu
Un pull-over de star pour séduire ma cousine
Un cri du coeur pour être aimé des Dieux
Un miroir-à-péchés pour contempler mes crimes
Un couteau bien affilé pour égorger mes remords
Un coffre-fort à âme pour le jour du jugement
Une nuit d'amour pour oublier mon amour
Un tiroir secret pour cacher ma peine
Et pour croire au bonheur un oiseau de décembre
La nuit noire de tes cheveux
Des licornes viennent y boire
Neigent-nagent dans cette moire
Monstres hilares et boueux
Issus des cages de mémoire
Des forêts volantes du feu.
Les biches dansent pour la brume
Un menuet de ruisseaux froids
Au fond du vent les maisons qui fument
Allument leur rire équarri
Cependant que tremble la neige
Au bord d'un monde enseveli.
C'est la poésie seule qui donne la forme exacte de l'âme.
M. Manoll.
Les mots comme signes, comme repères. Le fou les mélange, le poète les éclaire.
(M. Béalu)
"Il n'y avait", J. Rousselot
Il n'y avait que le silence
Derrière chaque mot volé
La route expirait dans les pierres
Entre les murs écroulés.
et pourtant le dernier poète
Tendait l'oreille vers la mer
Et cherchait encore à saisir
L'insaisissable oiseau de la parole.
"L'offrande", Jean Bouhier
Je n'étais pas venu les mains vides
Dans ma paume tendue
L'amour avait gardé le dernier battement
D'un coeur où vous saviez retrouver votre nom.
"Saisons du coeur" , RG. Cadou
Je ne sais plus si c'est ma joie
Si c'est ma peine
Si dimanche commence ou finit la semaine
Il est trop tard
On parle de l'amour
Et toujours sans savoir
Les mots s'envolent
Il y a des baisers coulés dans les paroles
Des larmes sur la main
Un grand ciel de printemps au fond du lendemain
Un grand soleil
La nuit mon coeur qui bat trop fort
Et me réveille
Les ailes des oiseaux sur la gorge du vent
Tous ces matins perdus
Ces haines à renaître
Et ceux qui ne voudront jamais me reconnaître.
"La soirée de décembre"
Amis pleins de rumeurs où êtes-vous ce soir
Dans quel coin de ma vie longtemps désaffecté ?
Oh ! je voudrais pouvoir sans bruit vous faire entendre
Ce minutieux mouvement d'herbe de mes mains
Cherchant vos mains parmi l'opaque sous l'eau plate
D'une journée, le long des rives du destin !
Qu'ai-je fait pour vous retenir quand vous étiez
Dans les mornes eaux de ma tristesse, ensablés
Dans ce bief de douceur où rien ne compte plus
Que quelques gouttes d'une pluie très pure comme les larmes ?
Pardonnez-moi de vous aimer à travers moi
De vous perdre sans cesse dans la foule
O crieurs de journaux intimes seuls prophètes
Seuls amis en ce monde et ailleurs !