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Critique de michfred


Quand on monte dans le dernier bateau, il vaut mieux être le premier passager..

Plus de deux cents critiques, presque toutes dithyrambiques sur "Bojangles"...

A moi le pilori des causes perdues( et orphelines) : je n'ai pas aimé Bojangles et avant de me faire assassiner, je vais tenter de dire pourquoi.

Je n'ai rien contre les livres faciles, qui se dévorent en quelques heures, ces lectures-plaisir, dont la trace s'efface aussi vite de nos mémoires qu'elle s'est imprimée dans notre rétine.

Je sais, en ce qui me concerne, que mes livres préférés sont toujours ceux qui se sont fait prier, qui ont frappé à ma vitre sans que je leur ouvre, d'abord, que j'ai lus lentement, lâchés, parfois, et repris pour ne plus les abandonner, enfin conquise, captée, envoûtée. Ainsi La Recherche du temps perdu , Jérôme, Au-dessous du volcan, lus, pour certains, il y a belle lurette, et toujours inscrits dans mon souvenir en lettres de feu. Voire dans mon Panthéon personnel.

Mais j'ai aussi dévoré ET adoré des livres : les Trois Mousquetaires, par exemple, dévoré plusieurs fois à la vitesse d'un canasson gascon qui sent son picotin, et quelques autres du même tonneau...

En attendant Bojangles, je l'ai lu vite et sans surprise -trop de tapage et beaucoup de déception- je l'ai lu vite et sans émotion, je l'ai lu vite et sans admiration.

Je l'ai lu vite et c'est tout.

J'ai trouvé son narrateur-enfant aussi naïf qu'un vieux briscard: le mensonge romanesque doit être parfait, sinon c'est juste un truc qui fatigue à la longue et décourage même le lecteur le plus patient. Pour établir une simple comparaison qu'on pense une seconde à la merveilleuse innocence, au ton si justement décalé et à la sincérité enfantine sans fard du héros de Salinger: Holden Caulfield, voilà un « vrai » enfant, avec ses raccourcis de langage, sa pensée indomptée, rebelle, rétive au langage policé des adultes..

J'ai trouvé la fantaisie et l' imagination de Bojangles bien pauvres. Qu'on songe aux trouvailles de Vian pour parler du cancer, de l'addiction, du bonheur qui fout le camp, du terrible poison de l'amour maternel, de l'ivresse, de la mort...Et pour essayer de vous convaincre, à la fin de L'Ecume des jours, devant tant de malheur, la petite souris demande au chat un suicide assité : il ouvre grand sa gueule, met sa queue sur le trottoir et attend. « Il venait en chantant onze petites filles aveugles de l'orphelinat de Jules l'Apostolique », rajoute sobrement Vian. Une autre allure que le bouquet de fleurs et la boîte de pilules, non ?

Quant au livre du père qui devient le best-seller final -juste prémonition: c'est un énorme succès de librairie- c'est une vieille ficelle là aussi. le livre dans le livre qui devient le livre...J'aime mille fois mieux L'Hisoire sans fin...ou La Modification!!

Oui, on est étonné –en tous les cas, je m'étonne- de toutes les comparaisons élogieuses avec Vian, avec Salinger. Passe encore E.E. Schmidt ou Pascal Jardin, mais pas Vian, pas Salinger!!!De grâce, relisez-les!

Pour le thème central, la folie douce qui devient folie furieuse, j'ai pensé sans cesse à un film, autrement plus dérangeant, plus terrible, plus pathétique et qui dégage une vraie émotion derrière les comportements bizarres et la connivence affichée : Une femme sous influence de Cassavetes, où le mari de Geena Rowlands, l'excellent Peter Falk, joue avec la folie de sa femme pour mieux la faire passer, parce qu'il l'aime comme cela, un peu frappadingue- et ce faisant, il la pousse, inconsciemment , vers les ténèbres de la psychose.

Je me sens donc un peu seule devant ce concert de louanges , et je ne suis pas sûre que, passionnés comme vous êtes pour ce livre, vous entendiez ma faible voix. Mais j'assume : je n'ai pas aimé En attendant Bojangles.

Mais j'adore la chanson éponyme de Nina Simone, une des plus grandes voix qui soit, et qui passe, elle, une émotion formidable en un seul morceau…3 minutes 35 de bonheur…
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